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L'école des paysans

L'efficacité de la formation continue des enseignants et chefs d'établissements scolaires. La situation dans l'enseignement agricole en France.*

26 Octobre 2015 , Rédigé par Michel Boulet Publié dans #Rénovation

A la différence de la quasi-totalité du système éducatif français qui est sous la responsabilité du Ministère de l’Éducation Nationale, 1'enseignement technique agricole est, depuis sa création en 1848, placé sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture. Avec environ 135 000 élèves en 1987-1988, ses effectifs représentent 10% de ceux de l'enseignement technique. Scolarisés dans un millier d'établissements répartis sur l'ensemble du territoire, jeunes gens et jeunes filles sont pour les trois quarts internes. Les établissements sont de statut public (40% des élèves) ou privé, et, depuis deux lois de 1984, adoptées, fait exceptionnel, sans aucun vote négatif au Parlement, ils assurent directement ou par contrat le « service public d'éducation et de formation ».

Ayant connu un fort développement durant les années 1960, l'enseignement agricole est engagé depuis 1983 dans un processus de rénovation qui peut se définir comme la concrétisation d'une volonté de changer l'institution, l’organisation de la formation, les contenus, les démarches pédagogiques, afin d'atteindre des objectifs nouveaux définis par le législateur. Élaborée à partir d'analyses d'experts, d'orientations gouvernementales et d'une vaste consultation de tous les partenaires (personnels, élèves, parents d’élèves, organisations professionnelles), la réforme est mise en œuvre par filières à partir de la rentrée de 1985 et sera achevée en 1990. Elle a pour objectif d'améliorer le taux de réussite des élèves et d'assurer une formation professionnelle qualifiante de haut niveau pour les_ diverses catégories de travailleurs de l'agriculture, de l'agro-industrie et du milieu rural.

La situation ainsi créée se caractérise notamment par une importance accrue de la « dimension établissement », correspondant d'une part à la nouvelle répartition des compétences en matière éducative entre l’État, la Région et 1'établissement, d'autre part à la volonté de voir l'ensemble des activités organisées par un « projet d'établissement ».

Progressivement, se sont concrétisées diverses mesures :

  • organisation de la vie de l'établissement avec plus grande participation des élèves,

  • mise en place d'équipes pédagogiques responsables d'une filière,

  • amélioration de la participation des différents partenaires au sein du Conseil d'Administration de l'établissement présidé par une personnalité non fonctionnaire,

  • implication plus forte de l'établissement dans son environnement, afin d'assurer les quatre missions qui lui sont confiées : formation initiale, formation des adultes, participation au développement agricole, contribution à l'animation du milieu rural,

  • rénovation des contenus de formation, à partir de l'analyse des métiers, des qualifications professionnelles et de leurs évolutions,

  • organisation 'modulaire' de la formation favorisant la pluridisciplinarité,

  • délivrance des diplômes à partir d'une évaluation en cours de formation et d'épreuves terminales,

  • construction de parcours de formation adaptés à la diversité des publics (jeunes et adultes),

  • développement de l'utilisation des nouvelles technologiques de 1'information et de la communication.

Ce vaste mouvement de rénovation, comme tout mouvement social, ne se développe pas de façon uniforme, mais il est marqué par des tensions et des contradictions. Il est donc nécessaire d'en assurer l'observation permanente et l'évaluation afin d'en maitriser le déroulement. N’étant qu'au début de la réforme, il est bien entendu, extrêmement difficile d'en apprécier l'efficacité. Il est cependant possible de noter :

  • qu'alors que la population active agricole diminue (7 %des actifs), le nombre d'élèves de l'enseignement agricole n'a jamais été aussi élevé, ce qui correspond à la diversification des formations proposées dans de nouveaux champs professionnels, au désir des élèves et des familles de suivre des formations qualifiantes. et à l’image positive de l’enseignement agricole, au sein d'un système éducatif en crise.

  • que les conditions d'insertion professionnelle des jeunes sortant de l'enseignement agricole sont bonnes.

  • qu'un plan de développement pour la période 1989-1993, en cours d'é1aboration, va permettre de préciser les objectifs selon les divers domaines devant évoluer.

Une étude, conduite entre 1985 et début 1986, a porté sur la première filière entièrement rénovée depuis 1985, celle conduisant au Brevet de Technicien Agricole (BERTHELOT 1988). Elle a mis en évidence l'avancée réalisée, mais a également attiré l'attention sur la nécessité de développer un solide dispositif d'accompagnement, notamment en matière de formation d'enseignants et de chefs

La présentation rapide de la rénovation en cours de l'enseignement agricole permet de comprendre le défi auquel doit faire face le ministère de l’Agriculture : assurer, le plus rapidement possible, par la formation en cours d'emploi, l'adaptation des compétences des enseignants et des chefs d'établissements à un système d'enseignement profondément transformé.

L'analyse de la qualification des formateurs est objet de débats, voire de polémiques, mais il est certain qu'elle comprend diverses composantes : compétence disciplinaire, compétence pédagogique, aptitudes au travail de groupe, à la communication et a la négociation. De plus, il s'agit d'enseigner dans un système en rénovation, d’être acteur de ces transformations. Il est donc nécessaire que le formateur

s'interroge sur ses pratiques, ses comportements, ses attitudes, qu'il « prenne du recul » pour mieux repérer les évolutions nécessaires. Encore faut-il savoir quelles questions se poser, quelles démarches utiliser. C*est le détour par la recherche qui permet d'y parvenir et d'adopter un « regard clinique » (PROST, 1985).

La formation en cours d'emploi des enseignants et des chefs d'établissement est assurée de façon distincte pour les établissements publics et les diverses fédérations du privé. En ce qui concerne l'enseignement public, elle est dispensée d'une part par des centres nationaux, établissements d'enseignement supérieur et de recherche, et d'autre part, dans les Régions par l'intermédiaire de Groupes Régionaux d’Animation et de Formation (G.R.A.F.). Ce dispositif permet d'assurer a la fois des stages de courte durée au plus près des établissements, afin de répondre aux problèmes les plus fréquents et les plus simples, et des stages et sessions de plus longue durée permettant soit une adaptation des qualifications (académiques et pédagogiques), soit la préparation à de nouvelles fonctions (chefs d'établissement, inspecteurs pédagogiques, chargés d'ingénierie de formation, ...). L'ensemble de ces actions de formation est coordonné par l'intermédiaire d'un plan annuel élaboré et mis en œuvre sous la direction du ministère de l’Agriculture. De 1983 a 1988, le nombre de journées-stagiaires est passé de 9 600 à 24 000, mais cetteprogression doit se poursuivre et l'organisation même des formations doit être l’objet d'évolutions.

Le rôle de l'Institut National de Recherches et d’Applications pédagogiques, l*I.N.R.A.P., est d'assurer l'articulation entre recherche en éducation et évolution de l'enseignement agricole, notamment par l'intermédiaire de la formation des personnels (BOULET, 1988).

Créé en 1966 par le Ministère de l’Agriculture, l'l.N.R.A.P. a conduit depuis lors des travaux qui ont en partie préparé la rénovation actuelle, ceci en collaboration avec des équipes françaises (I.N.R.P., Universités) et étrangères. Ils ont aussi permis d'expérimenter une démarche de Recherche-Action articulant recherche et formation des personnels en cours d'emp1oi (DAUVISIS, 1985). Ceci se réalise en particulier par la participation d'enseignants, en poste dans un établissement, à des recherches conduites par 1'l.N.R.A.P. (NOUVELOT, 1987). C'est le cas d'actions dans le domaine de la didactique (biologie, mathématiques, ...), des méthodes d’évaluation, du fonctionnement des établissements, de l'uti1isation des nouvelles technologies de l*information et de la communication.

Ces travaux, qui ont donné matière à des publications (cf. bibliographie) doivent maintenant conduire à des évolutions dans les contenus de formation des enseignants. De la même manière, les évolutions concernant l'autonomie des établissements et des équipes pédagogiques conduisent à une transformation des fonctions de chefs d'étab1issements et d'inspecteurs. De nouvelles formations vont être expérimentées à partir de cette année scolaire.

L’enseignement technique agricole français a encore peu de réponses solides à fournir en ce qui concerne le thème traité par cette assemblée, pour l'essentiel, il s'appuie sur les résultats des autres composantes du système éducatif français. Mais, engagé dans une reforme d'une ampleur sans équivalent en France, il a besoin des acquis de l'expérience d'autres pays et il peut être également, nous l’espérons, riche de réflexions pour nos collègues étrangers. C'est le sens de cette première participation du directeur de l'I. N. R. A. P. aux travaux de cette conférence.

Bibliographie

A.R.B.R.E. - Évaluer 1'évaluation. Actes de la rencontre internationale de Dijon. 17-19 septembre 1986. Dijon, I.N.R.A.P., 1988, 443 pages + annexes.

BÉJEAN, Nicole, DAUVISIS, Marie-Claire et FROSSARD, Gérard. « Une réforme provocante pour la formation à l'évaluation : le B.T.A. » - A.D.M.E.E. - Fribourg (Suisse). Septembre 1987 (à paraître dans les Actes).

BERTHELOT, Jean-Michel), HAS, Pierre et PAGES-DELON, Michèle. Le Brevet de technicien agricole rénové : Analyse d'une réforme. 1988, 93 pages + annexes. Ministère de 1'Agriculture, D.G.E.R. Supplément au Bulletin D.G.E.R.

BOULET, Michel. Quelle articulation entre recherche en éducation et formation ? I.N.R.A.P. - Janvier 1988 – 8 p.

BOULET, Michel et MABIT, René. L’enseignement aquicole en France : innovations et rénovations. Rapport à l'U.N.E.S.C.O. - Division de l'enseignement des sciences, de l’enseignement technique et de l'éducation concernant l'environnement. 1986 - 137 p. + annexes.

CAENS, Sylvie et MILLOT, Jacques avec la collaboration de DAUVISIS, Marie-Claire. Enseignement de 1'éco1oqie et éducation à l’environnement. Une expérimentation dans l’enseignement agricole. Communication aux premières rencontres interrégionales « Éducation - Environnement ». C.P.l.E. de Sireuil - Les Eyzies 23-25 mars 1987 - 11 pages + annexes.

COUDRAY, René. « Une démarche d'audit dans des établissements d’enseignement agricole ». Éducation Permanente n° 91, décembre 1987, pp. 97-106.

DAUVISIS, Marie-Claire). Des recherches-actions dans l'enseiqnement agricole, une nécessaire approche globale. Communication au colloque I.N.R.P. « Recherches impliquées, recherches-actions ». Paris, octobre 1986 - 20 p.

DAUVISIS, Marie-Claire. Formation à l'évaluation. Communication à la Rencontre internationale sur l'évaluation. A.D.M.E.E. - Fribourg (Suisse). Septembre 1987.

LE NORCY, Hervé. Brevet de Technicien Supérieur Agricole par Unités de Valeur. Rapport d’expérimentation. Dijon, I.N.R.A.P., 1987, 3 tomes, 23 p. ; 152 p. ; 317 p.

NOUVELOT, Marie-Odile. L'espace scolaire, support de recherche et de formation à l'évaluation du fonctionnement des établissements d'enseignement. Communication au colloque de l'A.E.C.S.E. « Culture technique et formation ». Paris, 17-18 décembre 1987. 14 p. (Actes à paraître).

PAQUELIN, Didier. Les pratiques liées à 1'informatigue dans l’enseignement technique agricole. Communication au colloque de l'A.R.B.R.E. « Nouvelles technologies dans 1'éducation et la fornation ». Dijon, 26-28 novembre 1987, 15p. (Actes à paraître).

PHILIBERT, Caroline. Vers un B.E.P.A. Rénové. Rapport final d’expérimentation. Documents I.N.R.A.P. N° 64, 1987.

PROST, Antoine. Éloge des pédagogues. Paris, Seuil, 1985, 225 p.

* Michel BOULET. Communication à la Cinquième Conférence paneuropéenne de directeurs d'instituts de recherche pédagogique. Tríesenberg (Liechtenstein), 11-14 Octobre 1988. Organisée par CONSEIL DE L'EUROPE ; UNESCO ; INSTITUT DE L'UNESCO POUR L’ÉDUCATION (HAMBOURG). CONSEIL DE LA COOPÉRATION CULTURELLE. CENTRE EUROPÉEN D'INFORMATION SUR LA FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS (UNIVERSITÉ DE PRAGUE).

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