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L'école des paysans

Si l'ENESAD m'était conté ou Trente ans après . . .

26 Octobre 2015 , Rédigé par Michel Boulet Publié dans #Histoire du pôle dijonnais

L’Établissement national d’enseignement supérieur agronomique de Dijon, l’ENESAD, a été fondé le 1er juillet 1993, par le regroupement de quatre établissements implantés à Dijon et Quétigny entre 1966 et 1968. Mais l'histoire de leur implantation est mal connue, voire ignorée, et ceux qui y travaillent aujourd’hui ne connaissent pas l’ambitieux projet de Centre national de développement et de promotion qui fut élaboré il y a quarante ans.

I - Moderniser l’agriculture française

A la fin des années 50, la France dispose d’une population active agricole de 3,8 millions de personnes, soit 20,3% de la population active totale; la population rurale représente 20,3% de la population totale. Les dirigeants de la Ve République naissante sont confrontés au problème de la modernisation de l'économie nationale afin de préparer le pays à la concurrence internationale, notamment au sein du Marché commun.

Or, comme le souligne un rapport remis au Premier ministre, Michel Debré, l’agriculture est un frein pour toute l'économie et l'une des raisons de cette situation est le manque de formation professionnelle des exploitants agricoles1. Le recensement général de l’agriculture réalisé en 1955 a mis en évidence que 96,7% des chefs d'exploitations n'ont bénéficié d'aucune formation technique. Rédigé par une commission dirigée par deux hauts fonctionnaires, Jacques Rueff et Louis Armand, le rapport affirme que dans le secteur agricole il convient de réformer les structures afin d'agrandir les exploitations ; moderniser les techniques de production ; abandonner le protectionnisme ; aider au développement de l'exode rural. Sur tous ces points il y a rupture avec la politique agricole antérieure.

L'enjeu est d'importance, il s'agit de moderniser l'agriculture française et d'en faire un élément actif de l'expansion économique du pays. Outre la redéfinition de la politique agricole, par l’adoption de la loi d’orientation agricole, le 5 août 1960, il s’agit de trouver des moyens mieux adaptés de diffusion des connaissances scientifiques et techniques et d’amélioration des compétences des agriculteurs qui doivent être capables de diriger des exploitations agricoles performantes.

Deux textes vont permettre d’y répondre : un décret de 1959 sur la vulgarisation agricole2 et la loi du 2 août 1960 sur l’enseignement et la formation professionnelle agricoles.

La vulgarisation agricole est définie comme « la diffusion des connaissances techniques, économiques et sociales nécessaires aux agriculteurs notamment pour: élever leur niveau de vie ; améliorer la productivité des exploitations. ››. La vulgarisation est réalisée « avec la participation des agriculteurs » organisés en groupements. Les ingénieurs des services agricoles sont chargés d’animer et de coordonner l’ensemble des actions de vulgarisation, d’en assurer le contrôle technique et de participer au contrôle financier des groupements professionnels bénéficiant de subventions sur fonds publics. Il est créé au sein de l’INRA une « section d’application de la recherche à la vulgarisation ››, la SARV, chargée de « la mise au point des connaissances à diffuser et des références techniques et économiques nécessaires aux vulgarisateurs »›. La SARV dispose d’ingénieurs spécialisés.

La loi du 2 août 1960 prévoit la réorganisation et le développement de l’enseignement agricole afin de répondre à la nécessité d’élévation du niveau de formation des agriculteurs et de la main d'œuvre pour les industries et services liés à l’agriculture.

Cette refonte totale du dispositif de vulgarisation et de formation professionnelle agricoles conduit à une évolution de la formation des personnels concernés et au développement des recherches et expérimentations nécessaires.

Depuis quelques années, des projets de réforme de la formation des ingénieurs des services agricoles avaient fleuri. L’École nationale des Sciences agronomiques appliquées, fonctionnait à Paris auprès de l’Institut national agronomique depuis 1946, succédant à la « section d’application de l’enseignement agricole » créée en 1920. L’École souffrait notamment de l’exiguïté des locaux mis à sa disposition au sein de l’lNA, de l’insuffisance de personnel permanent et de son manque de visibilité, mais il n’est pas question de s’éloigner de Paris où résident les professeurs intervenant à la vacation3.

La loi du 2 août 1960 donne une toute autre ampleur aux réformes. Les promoteurs de la politique de développement de l’enseignement agricole sont convaincus, à juste titre, que le succès de cette réforme dépendra pour beaucoup du recrutement et de la qualité des enseignants. C’est ainsi qu’en 1961, il est décidé que : « L’École nationale supérieure des sciences agronomiques appliquées, qui a pour mission non seulement de former les cadres supérieurs des services agricoles, mais aussi de préparer les professeurs des lycées agricoles, sera réorganisée. Elle comportera en outre un centre de recherches spécialisé dans l’étude des méthodes pédagogiques et de diffusion du progrès en milieu rural Ce centre aura une action directe sur l’ensemble des sections pédagogiques et techniques destinées à la formation des maîtres et devrait jouer un rôle décisif dans le perfectionnement des méthodes qui conditionnent l’efficacité de la formation et de l'information des agriculteurs, en fonctionnant en liaison avec les organismes de recherche et professionnels. »4

ll faut attendre août 1961 et la nomination comme ministre de l’Agriculture d’Edgard Pisani, pour que la mise en œuvre de la réforme prenne un rythme plus soutenu. Mais, ce n’est qu’en juin 1962 qu’une loi-programme donne les moyens financiers nécessaires à l’enseignement agricole. Insistant dans une formule frappante sur l’importance de l’effort engagé, à son terme « nous compterons, au total, autant de professeurs que nous avons aujourd’hui d’élèves », le ministre souligne que les effets de la formation des jeunes « seront décisifs, car seul l’enseignement permettra de favoriser cette évolution des structures que nous réclamons et qui se heurte trop souvent au manque de fluidité de la jeunesse rurale, lequel est la conséquence de sa non-scolarisation. » Il précise que l’enseignement agricole « doit former des garçons et des filles dont nous ne savons pas encore, au départ, si leur destin est de demeurer ruraux ou de devenir citadins. » Cet objectif exige une pédagogie adaptée qui suppose des efforts de recherche, mais aussi de formation des maîtres. Enfin, il indique que cette loi de programme est un des deux piliers dont le second est la loi complémentaire agricole qui sera débattue quelques jours plus tard.5

II - Le dispositif dijonnais

1 - L'École supérieure d'application d’agronomie

Dès novembre 1960, un projet de réorganisation de l’ENSSAA a été élaboré par l’équipe de direction de l’École.6 L'établissement, nommé École supérieure d’application d'agronomie, doit se substituer à l’ENSSAA et à l’École supérieure d’application d’agriculture tropicale afin de former des professeurs pour l’enseignement agricole du second degré et des « ingénieurs de la production agricole », qui seront soit des ingénieurs des services agricoles soit des ingénieurs civils d’agronomie. Les auteurs du projet espèrent ainsi favoriser la liaison administration - profession. L’école est également chargée, « en liaison avec les directions et services intéressés du ministère de l’Agriculture :

1°- d'effectuer les études et recherches en matière de perfectionnement pédagogique et méthodes de vulgarisation ;

2° - d'établir les programmes et d’organiser les sessions de perfectionnement du personnel des services agricoles. »

L’enseignement « en matière d’agronomie, de zootechnie et d’économie rurale » est assuré par des enseignants des différentes ENSA délégués à cet effet par le ministre pour une durée de cinq ans renouvelable ; ils sont alors dispensés de tout service dans leur établissement d’enseignement. Il est également fait appel à des vacataires. Le projet écarte l’idée de recruter un personnel enseignant permanent car « l’école étant un établissement d’application, il paraît plus logique de disposer de trois chaires permanentes pourvues d’un personnel enseignant de haute valeur » venu des différentes ENSA.

Les élèves suivent deux années d'étude, la première étant « une année de culture et de formation technique générales », la deuxième étant spécialisée et organisée pour deux sections distinctes « enseignement » et « production agricole », avec pour chacune deux orientations possibles soit vers l'agriculture tropicale, soit vers l’agriculture des zones tempérées et méditerranéennes.

Enfin, la localisation de l'École n'est pas précisée, mais le rédacteur fait référence à « l’impératif de décentralisation » qui écarte donc l’implantation en région parisienne. Il est toutefois précisé que le « bon fonctionnement de l’École impose » qu’elle soit proche d'une ville assez importante, que les professeurs puissent « rejoindre facilement leur lieu d'enseignement », que « dans un rayon relativement assez [sic] proche » se trouvent des organismes de recherche, des établissements d’enseignement et des exploitations agricoles permettant l’observation de cas concrets.

Mais rien ne bouge puisque les textes d’application de la loi se font attendre.

2 - Le Centre national agronomique de Dijon

21 - Les orientations originelles

Louis Malassis, professeur d’économie rurale à l’ENSA de Rennes, qui a été le rapporteur général du projet de réforme préparatoire à la loi du 2 août 19607, rédige un texte proposant des axes pour la transformation de l’ENSSAA et situant le nouvel établissement à Dijon.8

L’établissement est présenté comme un «ensemble complexe» accueillant un public diversifié (titulaires du diplôme d’agronomie générale, ingénieurs, licenciés) et assurant des fonctions également diverses (formation des ingénieurs des services agricoles, et des organismes professionnels à vocation générale ou spécialisée et des professeurs de lycées agricoles). Son originalité dans l’enseignement supérieur agronomique est certaine. L’École doit « jouer un rôle décisif dans la diffusion du progrès (technique, économique et social), dans l'évolution de la formation et de l'information des agriculteurs, dans la formation des cadres plus directement responsables, à des degrés divers, du '' développement rural''. »9

Les étudiants sont répartis en trois sections : section des ingénieurs à vocation générale pour les directions des services agricoles et les organismes professionnels à vocation générale, formant des « ingénieurs du développement rural » ; section des ingénieurs à vocation spécialisée pour la SARV, la protection des végétaux, la coopération technique, etc. ; section enseignement pour les lycées agricoles, fonctionnant « en tant qu’école normale supérieure de l'enseignement agricole public ». Le premier semestre de la deuxième année est consacré à un enseignement commun à toutes les sections. L’auteur estime qu’il s'agit de l’aspect le plus original de l’enseignement de l’École. « Il prépare à la compréhension du monde rural, à la connaissance des méthodes pédagogiques de la formation, de l'information et de la promotion des travailleurs agricoles. »

L’ENSAA comprend quatre ou cinq départements : sciences physiques ; sciences biologiques, avec une section phytotechnie et une section zootechnie ; sciences humaines ; sciences domestiques. Soulignant que « le prestige d'un établissement d'enseignement supérieur est celui de son corps enseignant », Malassis note que pour dépasser les difficultés liées à l’implantation dijonnaise, il convient que les professeurs titulaires soient assimilés à ceux des autres ENSA.

A côté et en liaison avec l’ENSAA fonctionnent plusieurs institutions :

- le Centre d’études et de diffusion des méthodes pédagogiques qui s’appuie sur les travaux de recherche réalisés par les chaires du département des sciences humaines de l’ENSAA (psychopédagogie, sociologie et économie). Il dispose de « centres expérimentaux et pilotes » (lycées agricoles, centres de vulgarisation, institut de promotion sociale et culturelle). Les services d’études du centre comprennent de « nombreux assistants par département » chargés de préparer des fiches pédagogiques, de la documentation pour les enseignants des lycées. Avec des équipes de professeurs de lycée ils rédigent des manuels. Il est prévu une imprimerie dont le rôle est qualifié de « fondamental » en raison de l’urgence de la diffusion des documents pédagogiques.

- un Institut national de promotion culturelle et sociale qui devrait contribuer à la formation des professeurs et moniteurs des instituts de promotion et universités populaires dont la constitution est prévue sur l’ensemble du territoire.

- un Institut national de la coopération agricole, INCA, qui, à partir de titulaires du diplôme d’agronomie générale ou d’un diplôme d’enseignement supérieur, formerait en une année des cadres pour le secteur coopératif. Il fonctionnerait également comme Institut de Promotion supérieure du travail.

22 – L’élaboration du projet

L'élaboration du projet se traduit par la rédaction de trois textes aboutissant, en juillet 1963, à un projet de décret :

a - un « avant-projet ››10 prévoit la création du Centre national de développement et de promotion, CNDP, constitué par quatre établissements :

* l'École nationale supérieure d'application des sciences agronomiques, ENSASA ;

* l’Institut de recherches et d”application pédagogiques, IRAP ;

* l'Institut national de la coopération agricole, INCA ;

* l'Institut national de la Promotion rurale, INPR.

A la tête de ce Centre, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, se trouve un directeur général, directeur de droit de l'ENSASA, supérieur des trois autres directeurs. Il y a cinq départements à PENSASA qui apportent leur appui aux autres établissements. Le personnel enseignant de l'ENSASA est aussi celui de l'INCA ; l'IRAP fonctionne avec des « conseillers pédagogiques » professeurs et ingénieurs détachés de l'enseignement public. Le corps enseignant de 1'lNPR a le statut des enseignants des écoles nationales des ingénieurs spécialisés en agriculture, les futurs ENITA.

Les titulaires du diplôme d'agronomie générale obtiennent le diplôme d'ingénieur agronome au terme de la première année. L'École prépare au Certificat d'aptitude pédagogique à l'enseignement dans les lycées agricoles et à l'agrégation dans les disciplines agronomiques.

b - un deuxième texte est disponible en mai 1963 portant création de l’École normale supérieure des sciences agronomiques et d'Instituts pour le développement rural et la promotion sociale. 11

Cette école, implantée à Dijon, prend la succession de l’ENSSAA, lui sont rattachés trois instituts :

* l’Institut de recherches et d'application pédagogiques, IRAP ;

* 1’Institut national supérieur de la coopération agricole, INSCA ;

* l’Institut national de la promotion rurale, INPR.

L’ENSSAA et les instituts constituent un « établissement public national d'enseignement supérieur et de recherche doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière ». L’exposé des motifs précise que le regroupement des établissements est commandé à la fois par leur mission qui est « le développement de l'agriculture et la promotion du monde rural », par des soucis d’efficacité et d’économie de moyens ainsi que « par la volonté de réussir une nouvelle expérience de décentralisation intellectuelle. ›› La localisation sur le campus de l’Université et près d’un important centre de l’lNRA témoigne d’une volonté de collaboration permanente avec l’enseignement universitaire et la recherche. Enfin, l’ENSSAA est présentée comme un ensemble « unique en Europe » qui peut grâce à des communications faciles « réaliser une vocation européenne ››.

Outre les actions de formation, l’École et les instituts « procèdent à des travaux de documentation et de recherche concernant les méthodes et instruments de formation et d’information agricoles des adolescents et des adultes, ainsi que les modalités et les effets de la diffusion des progrès en milieu rural ››.

L'établissement est dirigé par un directeur général, assisté d’un conseil d’administration et d’un secrétaire général. La direction scientifique est assurée par un comité comprenant les chefs de département, les directeurs des instituts rattachés et les directeurs des établissements pilotes ou d’application. Ce comité est présidé par le directeur général. Le personnel enseignant est regroupé dans des départements dont le nombre et la nature sont fixés par arrêté du ministre de l’Agriculture. Des centres de troisième cycle dans les disciplines agronomiques peuvent être institués. Si pour l’IRAP et l’INSCA il n’y a pas de changements par rapport au texte précédent, pour l’INPR, une nouvelle mission apparaît : la formation des « professeurs d'éducation culturelle des établissements d'enseignement agricole public et des animateurs socio-culturels des foyers de progrès agricole. »

c - Un troisième projet12, daté du 6 juin 1963, propose de doter l'IRAP d’un « conseil pédagogique » composé de représentants des ministères de l’Agriculture et de 1'Éducation nationale, de la profession et des usagers. Ce conseil « a pour objet de faire des propositions sur le programme de l 'Institut et de donner des avis sur les méthodes et moyens pédagogiques adaptés à la vie rurale ››.

Dans une note complémentaire, du 30 juin, il est annoncé la création au sein du département des Sciences humaines de l'ENSSA d'une « chaire de la coopération agricole ›› au cours de l'année 1964, et de partager à partir de 1964-1965, la formation de l'INSCA avec les autres ENSA au cours d'un trimestre de spécialisation suivi d”un trimestre de stage.

d - Le projet de décret de juillet 1963 reprend le projet précédent avec quelques changements mineurs : l'établissement retrouve le nom d'École nationale supérieure d'application des Sciences agronomiques, ENSASA et le Conseil pédagogique de l'IRAP devient « Conseil de l'Institut.. »13

23 - Un projet ambitieux : le Centre national d”application des Sciences agronomiques de Dijon

En septembre 1963, un nouveau projet de réforme de l'enseignement supérieur agricole se dessine et Louis Malassis est sollicité par le directeur général de l'enseignement et des affaires professionnelles et

sociales pour faire des propositions en la matière. Il formule pour Dijon un nouveau projet de grande ampleur.14

Sous le nom de Centre national d'application des sciences agronomiques seraient réunis trois établissements :

a) École nationale du Génie rural

b) École nationale du développement rural (sciences humaines)

- Institut national de la coopération agricole

c) École normale supérieure agronomique

- Institut national d'applications et de recherches pédagogiques

- Institut national de la promotion rurale.

L'objectif est d'assurer en un même lieu la formation des fonctionnaires de deux grands corps du ministère de l'Agriculture intervenant dans le développement rural : les ingénieurs du Génie rural et les

ingénieurs des Services agricoles.15 Dans une note jointe, il argumente son choix en insistant sur le fait que les deux corps d'ingénieurs pourront bénéficier d”une formation économique et sociale commune « car ils assument en fait des fonctions “d'ingénieurs du développement rural”. Cette formation commune devrait faciliter l'action des services dans l'avenir ». En ce qui concerne la faisabilité du projet, il note que l”École nationale du Développement rural, l”École normale supérieure agronomique et les instituts rattachés sont en cours de réalisation et que « l'INRA n'utilisera pas la totalité du terrain qui lui est réservé : 3 ou 4 ha sont disponibles pour l'École du génie rural et un domaine d’application pourrait être ultérieurement annexé ».

Louis Malassis précise quelques jours plus tard dans un nouveau courrier que non seulement une partie de la formation économique et sociale, mais probablement la totalité de la formation administrative seraient communes à l’École nationale du Génie rural et à l'École nationale du Développement rural.16

A partir de cette période, Louis Malassis est chargé de piloter la mise en place du centre dijonnais dont il devrait être le directeur général. Se joignent à lui Daniel Labey chargé de la mise place de l'lNRAP et Paul Harvois, de celle de l'INPR.

Mais plusieurs événements vont bouleverser ce beau projet.

Tout d”abord, la réforme des services extérieurs du ministère de l°Agriculture. Edgard Pisani qui voulait fusionner les trois corps du ministère de l'Agriculture, Génie rural, Eaux et Forêts et Services agricoles, se heurte à la résistance des deux premiers et finalement crée, en 1965, deux nouveaux corps : ingénieurs du Génie rural, des Eaux et des forêts, IGREF, et ingénieurs d'agronomie, IA.17 Il donc n'est plus question de déplacer l'École du Génie rural à Dijon. Déçu de voir le projet se disloquer, Louis Malassis donne sa démission au Ministre et retourne à ses fonctions de professeur d'économie rurale à Rennes.

A la rentrée 1965, Edgard Pisani vient à Quétigny poser la première pierre d'un nouvel établissement d”enseignement supérieur agricole, l’École nationale d'lngénieurs des travaux agricoles, ENITA. C'est le deuxième établissement de ce type, après l'ENITA de Bordeaux créée en 1963. Dans son intervention le Ministre explique son projet de « concentrer sur Dijon un ensemble agronomique important » :

« Pourquoi DIJON ? Pourquoi concentration ? DIJON, parce que c'est le chef-lieu de cette région carrefour qu'est la Bourgogne. Il y a peu de régions en France qui aient autant de faces différentes et complémentaires, peu de régions qui représentent la France agronomique dans sa diversité avec autant de perfection. Pourquoi concentration, parce qu'il est apparu qu'à un certain niveau, l'implantation en pleine campagne, dans le désert ou au contraire la répartition disséminée sur l'ensemble du territoire n'était pas favorable au développement intellectuel Il est apparu qu'à un certain niveau de préoccupations, de recherches ou d'études, la concentration, les échanges, sont à la fois source d'économie et source d'enrichissement. C'est donc une contribution importante que mon département ministériel apporte â l 'entreprise et il s'en réjouit.

En quoi consiste-t-elle cette contribution ? Dans un développement substantiel de l'Institut National de la Recherche Agronomique qui s'inscrit dans le plan de décentralisation de l'INRA - dans la création de cette École Nationale Supérieure des Sciences Agronomiques Appliquées (ENSSAA) pour la formation des ingénieurs - professeurs et des ingénieurs - vulgarisateurs dont nous avons désormais besoin, dans la création, à coté de cette école, de ce Centre de Recherches Pédagogiques Rurales sur lequel nous fondons beaucoup d'espoirs car il n'est pas certain que notre système pédagogique ait mesuré toute l'adaptation qu'il convient de rechercher à nos principes pédagogiques lorsque nous abordons les milieux ruraux. Création aussi d'une École des Ingénieurs des Travaux Agricoles, destinée tout à la fois à former des collaborateurs des agronomes et les professeurs de nos collèges et, enfin, la création d'un lycée qui comptera 400 à 420 élèves. »

Un décret du 24 décembre 1965 érige l'ENSSAA en établissement public national doté de la personnalité civile et de l”autonomie financière.

La construction des bâtiments devant accueillir l'ensemble dijonnais a commencé en juillet 1964, sans attendre leur achèvement, le Directeur général de l°Enseignement et des Affaires professionnelles et sociales confie à une association, le Groupe de Recherche et d’Éducation pour la Promotion, le GREP, les missions du futur Institut de Promotion rurale. Pour ce faire, une équipe est réunie sous l'autorité de Paul HARVOIS, chargé de mission d”inspection générale qui engage la formation des personnels d'éducation culturelle.

Le 2 janvier 1966, Edgard Pisani quitte le ministère de l”Agriculture, il est remplacé par Edgar Faure qui, chargé de rassurer les agriculteurs, ne poursuit pas la politique de réforme de son prédécesseur.

3 - Le complexe agronomique de Dijon

31 - La mise en place

Le 23 août 1966, un décret institue l'ENSSAA et précise par son article 16 que « fonctionnent auprès » d'elle trois instituts, l'Institut national de formation des professeurs certifiés de l'enseignement agricole, l'INFPCEA, l'Institut National de Recherches et d’applications Pédagogiques de l'enseignement agricole, l'INRAP, et l'Institut National de Promotion supérieure Agricole, l'lNPSA. Le même article précise que le directeur de l'ENSSAA est directeur de l'INFPCEA qui « fonctionne en annexe de l'École » et qu”il « assure la coordination de l 'école et des autres instituts [ . . . ]. Notamment, il en préside les conseils d'administration ainsi qu'un conseil permanent de leurs directeurs, auquel peut être appelé à participer le directeur de l'école nationale d'ingénieurs des travaux agricoles de Dijon-Quétigny. ››.18

Le projet de Centre national regroupant plusieurs établissements au sein d'un établissement public a été abandonné au profit d'un relatif statu quo pour l'ENSSAA, « maison mère » du corps des ingénieurs d'agronomie qui vivent fort mal la réforme des services extérieurs de 1965. Edgar Faure ne souhaite pas les bousculer plus, et il nomme à la tête de l'établissement un ingénieur d”agronomie.

Par ailleurs, le ministère a accepté de confier aux organisations professionnelles agricoles la responsabilité du développement par le décret du 4 octobre 1966. Après la réforme des services extérieurs de 1965, l'État n'a plus la volonté ni les moyens humains d°intervenir fortement dans ce domaine.19 Il faut y voir la raison de l'avortement du projet d'lnstitut national de la Coopération agricole implanté sur le complexe où sont formés les fonctionnaires.

Le texte du décret de création de l'ENSSAA est ambigu il définit les relations entre celle-ci et deux des instituts d'une manière vague, propice à toutes les interprétations « fonctionnent auprès ». Le poids du directeur de l’École est important et va peser sur les orientations des instituts. Ceux-ci sont créés le même jour par deux arrêtés similaires. Très vite, il souhaite affirmer leur autonomie face à l'ENSSAA.

Au cours des années 1967 et 1968, l'ensemble dijonnais engage progressivement ses activités. Les 55 premiers élèves ingénieurs d'agronomie et 21 professeurs contractuels de lycée agricole sont accueillis à Dijon le 3 janvier 1967, alors que les locaux ne sont pas totalement terminés. L'ENITA de Dijon-Quétigny ouvre ses portes en septembre 1967. L'Institut National de Formation des Professeurs Certifiés de l'Enseignement Agricole, INFPCEA, est créé par arrêté du 19 décembre 1967, « en annexe de l'ENSSAA ». Les instituts ne deviennent opérationnels qu'à la rentrée 1968.

La situation est alors difficile, les « retombées »› de mai 1968 se font sentir. L'animation socio-culturelle est vivement attaquée, notamment par des élus dijonnais, mais également critiquée par certains responsables de l'enseignement agricole, et Paul Harvois démissionne de ses fonctions de directeur de l'INPSA.20 Un nouveau directeur est nommé, un ingénieur d”agronomie.

Enfin, à l'INRAP, Daniel Labey ne souhaite pas poursuivre ses fonctions directoriales et il est remplacé par un ingénieur d”agronomie.

Les responsables ministériels estiment probablement qu'en nommant à la tête des établissements des ingénieurs d'agronomie il disposeront de partenaires plus dociles à leurs consignes et pouvant tisser des relations plus faciles puisque appartenant au même corps de fonctionnaires. Ceci leur paraît d'autant plus nécessaire qu°ils se méfient d*un personnel jeune et trop porté à l'innovation. En 1969-70, l'âge moyen du personnel de l'ENSSAA est de 30 ans, celui des enseignants de 28 ans, celui des étudiants de 26 ans21 ; la situation dans les Instituts est comparable. Certains membres de l°Administration regrettent même d'avoir fait le choisi de doter l'ENSSAA d°un personnel enseignant permanent peu malléable en raison de son statut !

32 - La « Tour de Babel »

Dès la première année, il y a un net dérapage, dû principalement à des problèmes de relations humaines, ce qui aura d”importantes conséquences dans chaque institution, sur la manière de remplir les missions. Les deux instituts revendiquent, en effet, une indispensable autonomie, mais le directeur de l'ENSSAA veut tout contrôler de manière bureaucratique.

Pourtant, dès le mois d”octobre 1968 le ministère a modifié les conditions de la coordination entre les établissements en nommant un haut fonctionnaire, l”inspecteur général de l”Agriculture, Armand Wallon pour remplir les fonctions dévolues en la matière au directeur de l'ENSSAA.22

La situation est telle qu”elle fait l'objet d'un article dans le journal Le Monde titré « La formation des maîtres : creuset ou tour de Babel » qui fit beaucoup réagir à l”époque. L'auteur décrit ainsi la réalité dijonnaise : « Tout à Dijon parait avoir été réuni pour réaliser une révolution pédagogique : les bâtiments neufs et spacieux, un équipement scientifique encore incomplet mais déjà remarquable, une équipe d'enseignants et de chercheurs de toutes origines [...], pour le moment, cet ensemble de locaux de matériel et d'hommes parait très mal utilisé […] les liens entre les différents établissements sont très ténus, les contacts avec les étudiants presque inexistants. Les responsables de l'ENSSAA craignent-ils en se rapprochant trop des autres Instituts de formation de professeurs de transformer leur établissement en école normale ? Ces réticences sont-elles aggravées par des conflits de personne, voire d'autorité d'une école à l 'autre ?

Il semble pourtant qu'il suffirait de peu de chose pour que ce complexe agronomique, qui ressemble plutôt, aujourd'hui, à une tour de Babel devienne demain un véritable creuset de formation des équipes pédagogiques des lycées agricoles. Ce jour-la, la diversité du corps enseignant des établissements agricoles sera une véritable richesse ».23

Cette question de la coordination des établissements va se traduire par de nombreuses péripéties scandées par divers textes réglementaires.

En février 1970, un arrêté crée une Commission permanente de coordination des activités de formation réunissant sous la présidence du haut fonctionnaire chargé de la mission permanente de coordination, les directeurs des établissements dijonnais et de l'ENITA ainsi que les chefs de départements24 On apprend à la lecture de ce texte qu”il existe trois départements à l'ENSSAA, productions animales, productions végétales et sciences économiques, mais que les deux autres sont sis à l'INRAP, pédagogie, et à l'INPSA, éducation des adultes. Il convient de noter qu'aucun département n'a alors été créé, il n'existe que des chaires !

En novembre un décret précise les conditions de recrutement et d°emploi des personnels contractuels à temps complet de l'INPSA et de l'INRAP ce qui est perçu comme le refus du ministère d”affecter des personnels titulaires permanents dans ces établissements.25

Ce n'est qu°en décembre 1970 qu'un arrêté crée les départements et les affecte comme prévu dans le texte du mois de février.26 Un second arrêté nomme les chefs de département, faisant « à titre provisoire » du directeur de l'INPSA le chef du département de 1”éducation des adultes et du directeur de l'INRAP le chef du département de pédagogie.

Ces textes entraînent un conflit avec le ministère. En effet, les enseignants ont été recrutés à l'ENSSAA et refusent d”être affectés dans un des Instituts, en outre ils récusent le fait que les directeurs de ces instituts soient chargés des fonctions de chefs de département ces fonctions devant être assurés selon les statuts par un professeur ou un maître de conférences. La réaction est d”autant plus vive que les arrêtés ne sont pas publiés et que leur diffusion se fait de façon restreinte. Ce n'est qu”en 1971, après de nombreuses actions des personnels que la diffusion sera faite à l'ensemble des enseignants « à la demande du Secrétaire d'État à l'Agriculture ».

Mais la situation demeure tendue car en octobre suivant un professeur de l'ENITA est licencié à l'issue des deux années de stage consécutif à son recrutement. Grèves et manifestations se renouvellent au cours des quelles est débattue le fonctionnement du complexe qui fait l'objet de nombreuses critiques.27

En février 1973, un nouvel arrêté rétablit l'autonomie des établissements dijonnais28 ! Les textes antérieurs sont abrogés et le directeur de l'ENSSAA assure à nouveau la coordination.29

33 - Vers l'ENESAD

Malgré des restrictions budgétaires qui touchent l'enseignement agricole à partir de 1970, et les tensions qui accompagnent les évolutions erratiques du complexe dijonnais, les établissements développent leurs activités et contribuent efficacement au développement et à la rénovation du système de formation du ministère de l”Agriculture ainsi qu'à la formation d'ingénieurs par des voies diversifiées.

En août 1983, l'État attribue à titre de dotation les terrains et bâtiments qu'ils utilisent à l'ENSSAA, l'INPSA et l'INRAP.30

En juillet 1984, s”implante en annexe de l'ENSSAA, le Centre National d’Études et de Ressources sur les Technologies Avancées, CNERTA. En septembre 1989, l'INFPCEA disparaît, la formation initiale des professeurs certifiés de l'enseignement agricole étant transférée à Toulouse, à l'ENFA, École nationale de formation agronomique.

Le 17 février 1989, le ministre de 1'Agriculture, Henri Nallet, annonce, devant le Conseil d'Administration de 1'Université de Bourgogne, sa volonté de regrouper les établissements de Dijon et Quétigny et de constituer, en étroite collaboration avec l”Université et l'INRA un pôle dijonnais d'enseignement supérieur et de recherche à vocation internationale. Les quatre directeurs sont chargés de la préparation du projet.

Le 11 mai 1990 les quatre conseils d”administration sont réunis en séance commune sous la présidence du directeur général de 1'Enseignement et de la Recherche.

Le 15 juin 1990 le ministre de l'Agriculture préside la signature de la convention cadre entre l”Université de Bourgogne, PINRA et les quatre établissements agronomiques. Il annonce qu”il souhaite la mise en place d'un établissement unique regroupant l'ENITA, l'ENSSAA, l'INPSA et l'INRAP.

Le 1er Juillet 1993 est créé l'ENESAD, Établissement national d'enseignement supérieur agronomique de Dijon, premier établissement sous tutelle du ministère de l”Agriculture ayant le statut d'établissement d'enseignement supérieur à caractère scientifique, culturel et pédagogique (EPCSCP).

Trente ans après le premier projet de Centre unique, un établissement unique réunit l'ensemble des institutions dijonnaises. Il semblerait qu'en matière de changement social la durée d'une génération soit un unité de compte pertinente !

Enfin, pour la petite histoire, soulignons que les établissements dijonnais ont disparu sans avoir jamais été inaugurés .

Michel BOULET

Février 2003

1 Rapport sur les obstacles à l'expansion économique présenté par le comité institué par le décret n° 59-1284 du 13 novembre 1959. Paris, Imprimerie nationale, 1960, 98 p.

2 Décret n° 59-531 du 11 avril 1959. Journal officiel 13-14 avril 1959, p. 4145 ; rectificatif Journal officiel du 26 avril 1959, p. 4578.

3 Voir par exemple [COQUERY, Paul] - Note sur l'ENSSAA (novembre 1958), 6 p. dactylographiées.

4 Rapport de présentation du décret du 20 juin 1961 portant application de la loi du 2 août 1960. Titre V. Du personnel enseignant

5 Journal officiel. Débats parlementaires- Assemblée nationale. 1ère séance du 3 juillet 1962, pp. 2183-2189

6 [COQUERY, Paul]. Réorganisation de l'ENSSAA. Avant-projet, novembre 1960, 37 p. dactylographiées.

7 Voir MALASSIS, Louis. « Évolution du monde rural et enseignement agricole », In: BOULET, Michel, dir. La formation des acteurs de l'agriculture. Continuités et ruptures, 1945-1985. Actes du colloque ENESAD, 27-29 novembre 2001, Dijon, Educagri éditions, 2003, 240 p., p. 39-45

8 [MALASSIS, Louis]. Réflexions sur l’École nationale des sciences agronomiques appliquées (ENSAA), [s.d.], 10 p. + annexes, dactylographiées. (Archives L. Malassis)

9 Idem, p. 1, souligné par l'auteur.

10 Exposé des motifs du décret portant « création du Centre national de développement et de promotion » du ministère de l’Agriculture, avant-projet, [s.d.], 7 p. dactylographiées ; Projet de décret, [s.d.], 6 p. dactylographiées. (Archives L. Malassis)

11 Exposé des motifs du décret portant création de l’École normale supérieure des Sciences agronomiques et de l’Institut pour le développement rural et la promotion sociale - Projet n° 2, 28 mai 1963, 6 p. dactylographiées ; Projet de décret relatif à l’École normale supérieure des Sciences agronomiques de Dijon et aux Instituts qui lui sont rattachés. 28 mai 1963, 9 p. dactylographiées. (Archives L. Malassis)

12 Projet n° 3. Décret portant transformation de l’École nationale supérieure des sciences agronomiques appliquées et création des Instituts qui lui sont rattachés. 6 juin 1963 - 8 p. (Archives L. Malassis)

13 Projet de décret portant transformation de l'ENSSAA en École nationale supérieure d'application des Sciences agronomiques et création des instituts qui lui sont rattachés. [s.d.], 7 p.

14 Lettre personnelle de Louis MALASSIS à Monsieur Jean-Michel SOUPAULT, directeur général de l'enseignement et des affaires professionnelles et sociales, 13 septembre 1963. (Archives Louis Malassis)

15 L’École nationale des Eaux et forêts serait maintenue à Nancy « en raison de sa vocation spécifique ».

16 Lettre personnelle de Louis MALASSIS à Monsieur SOUPAULT, directeur général de l'enseignement et des affaires professionnelles et sociales, 17 septembre 1963. (Archives Louis Malassis)

17 TAVERNIER, Yves. « Une nouvelle administration pour l'agriculture. La réforme du ministère ». Revue française de Science Politique, n° 5, octobre 1967, pp. 889-917

18 Décret n° 66-637 du 23 août 1966 relatif à l'École nationale supérieure des Sciences agronomiques appliquées. Journal officiel, 28 août 1966, p. 7557-7558

19 Voir l'analyse de la situation dans MULLER, Pierre. Le technocrate et le paysan. Paris, Éditions Économie et Humanisme/ Éditions ouvrières, 1984, 175 p. Voir également « La politique de progrès agricole 1945-1985 1 MÉRILLON, Raymond. La politique de vulgarisation-développement ; 2 BÉCOUARN, Marie-Catherine et GERVAIS, Michel. Quelques réflexions sur le bilan qu'en font des professionnels engagés », In : BOULET, Michel, dir. - La formation des acteurs de l'agriculture. Continuités et ruptures, 1945-1985 - Actes du colloque ENESAD, 27-29 novembre 2001 – Dijon, Educagri éditions, 2003, 240 p.

20 L'adjoint au chef du Service de l'enseignement note que « l'éducation culturelle a suscité des réunions parfois violentes. C'est un fait indiscutable qu'elle va chez nous à l'encontre de l'habitude de pensée de “ l'honnête homme “ […] influencé dans notre société en mouvement, par la tradition du Grand Siècle faite d'ordre et de stabilité ›› Et il invite l'éducateur culturel à se placer « au service des valeurs de la civilisation et de la société dont il relève et qu'il le fera sans montrer dans son enseignement qu 'il entend en privilégier certaines. » MOATI, Paul. « L'éducation culturelle » Bulletin DGER, n° 18, octobre 1968, p. 9-29

21 L’École nationale supérieure des Sciences agronomiques appliquées. Note, {s.d.], 7 p.

22 Décret n° 68-620 du 9 juillet 1968 portant modification du décret n° 66-637 du 23 août 1966 relatif à l'ENSSAA. Arrêté du 4 octobre 1968 portant nomination du haut fonctionnaire chargé d'une mission permanente de coordination des établissements d”enseignement supérieur agricole de Dijon

23 DUPONT, Jean-Marie. « Les lycées agricoles : des établissements originaux ». Le Monde, 3 septembre 1969, supplément Éducation

24 Arrêté du 19 février 1970 portant création d'une commission permanente de coordination des activités de formation du complexe agronomique de Dijon

25 Décret n° 70-1065 du 6 novembre 1970 relatif au personnel contractuel à temps complet de l'INPSA et de l'INRAP

26 Arrêté du 4 décembre 1970 relatif à la coordination de l'enseignement entre l'ENSSAA et son annexe l'INFPCEA, l'INRAP et l'INPSA

27 Voir : Comité contre l'arbitraire du complexe agronomique de Dijon-Quétigny. Cahier de charges du complexe agronomique de Dijon-Quétigny. Dijon, [1971], 28 p.

28 Arrêté du 1*" février 1972 rétablissant l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur de Dijon

29 Lettre du 21 février 1972 du directeur général de l'enseignement, des études et de la recherche au directeur de l'INRAP

30 Arrêté interministériel, ministère de l’Économie, des finances et du budget - ministère de l'agriculture, du 13 juillet 1983

ANNEXES

I - Extraits des statuts des établissements

* ENSSAA

« L'ENSSAA assure la formation des ingénieurs du corps des ingénieurs d 'agronomie prévu par le décret du 4 juin 1965 et contribue, en liaison notamment avec les organismes de recherche et les services du ministère de l 'agriculture à la formation permanente de ces ingénieurs en vue de la mise à jour constante et de l 'approfondissement de leurs connaissances.

Elle assure en outre la formation d'ingénieurs civils n'ayant pas la qualité de fonctionnaires, appeler à utiliser les techniques auxquelles recourent les ingénieurs du corps d'agronomie.

Elle peut accueillir des fonctionnaires d'autre corps administratifs ainsi que des auditeurs.

Les élèves-ingénieurs civils et les auditeurs peuvent être des étrangers.

Certains cours peuvent être publics. »

* INFPCEA

Il « assure la préparation aux épreuves théoriques et pratiques du certificat d'aptitude au professorat dans les lycées agricoles et les établissements privés de même niveau [. . .] Il contribue en liaison avec les organismes de recherche et les services du ministère de l'agriculture, à la formation permanente de ces professeurs en vue de la mise à jour constante et de l 'approfondissement de leurs connaissances »›. (art. 3)

* INPSA

« 1 - l'organisation, à l 'intention d'adultes possédant un certain niveau de connaissance et exerçant une activité en rapport avec l'agriculture :

- de cycles d'études permettant de préparer à des diplômes de formation supérieure en relation avec les sciences agronomiques ;

- de sessions spécialisées de perfectionnement professionnel en relation avec les différentes activités de l'agriculture

2 - La formation et le perfectionnement professionnel des professeurs d'éducation culturelle et des animateurs socio-culturels des établissements d'enseignement agricole public, ainsi éventuellement que celles d'animateurs socio-culturels (n'ayant pas la qualité de fonctionnaires).

3 - La formation de fonctionnaires aux méthodes propres à l'éducation des adultes en milieu agricole.

4 - L’organisation de travaux, d'études, de conférences, colloques et réunions, en liaison avec la profession agricole, sur les problèmes de promotion dans le monde agricole et rural. »

* INRAP

« L'INRAP étudie les problèmes posés par l'enseignement dispensé dans les lycées, les collèges, cours professionnels agricoles et établissements assimilés de mêmes niveaux : il a en particulier pour mission :

1 - de rechercher les méthodes pédagogiques propres à développer et à améliorer l'enseignement,

2 - de proposer tonte mesure tendant à l'adaptation permanente des programmes aux nécessites de la

pédagogie et aux besoins du secteur agricole,

3 - de participer à la formation pédagogique des professeurs stagiaires,

4 - d 'organiser des stages pédagogiques à l'intention des personnels en fonctions,

5 - de publier tous ouvrages, revues on documents en rapport avec ses diverses activités ».

II - Les directeurs

* ENSSAA

CLÉMENT, Léonce 1966-1972

MÉR1LL0N,Raymond 1972-1988

G1L0T, Jacques 1983-1986

DUREY Jean-Jacques 1986-1993

* ENITA

HABAULT 1967-

LAMAURY, Hervé 19 - 1993

* INPSA

HARVOIS, Paul 1966-1968

BAUJARD,Jean 1968-

EVRARD, Henri

LAMAURY, Hervé

VILLALONGA, André

CHOSSON, Jean-François 1990 - 1993

* INRAP

LABEY, Daniel 1966-1967

MARCHAL, Maurice 1968-1975

MÉAILLE,Michel 1975- 1985

BOULET, Michel 1985-1993

III Éditorial signé en juin 1993 par les quatre directeurs lors de la création de l'ENESAD.

Le 30 Juin 1993

ou

Comment mourir guéri

M. Boulet

J.F. Chosson

J.J. Durey

H. Lamaury

L 'histoire d'Alphonse Allaís est bien connue : alors qu'il était à l'agonie, trois médecins se relayaient pour émettre des diagnostics optimistes « le pouls est régulier » disait l'un, « l’œil est clair... » ajoutait l'autre, et le troisième de renchérir « les réflexes sont normaux... ». A ce moment-là Alphonse Allais lance à la cantonade « ... en somme je meurs guéri... ».

La métaphore peut se révéler utile pour traiter du sort de nos établissements. Désormais, à partir du 30 juin 1993, rien ne sera plus comme avant. Le navire ENESAD quittera le port d'attache et affrontera le grand large européen. Certes de rudes tempêtes nous attendent. Les incertitudes économiques ne rendent pas la tâche facile pour ceux qui prennent en charge des formations directement liées au système productif, mais désormais nous serons guéris de trois maladies endémiques qui n'ont cessé de maintenir un climat de marasme sur les établissements dijonnais.

Tout d'abord la molle incertitude qui n'a cessé de planer sur le sort de nos établissements hormis l'ENITA. A sa naissance, l'enfant n'a pas été porté sur les fonds baptismaux. Le complexe bourguignon n'a jamais été inauguré. Tout s'est passé comme si le pouvoir central avait eu une ambition planétaire pour Dijon pendant la grossesse ; mais lorsque l'enfant est venu au monde, il n'était point digne d'être intronisé dans la famille de l'enseignement supérieur agronomique. Comble de l'ironie : afin d'affaiblir le nouveau-né, il était aussitôt démembré en quatre unités rigoureusement étanches disposant de conseils, aussitôt transformés en gardes prétoriennes protégeant leur Bastille. Il s'est ainsi créé au fil des ans une « culture d'école » destinée à promouvoir une identité et, surtout, une hiérarchie basée, comme au Moyen-Age, sur les droits acquis à la naissance et non, tels les soldats de l'An II, aux batailles remportées. L'administration centrale élevait l'absence de décision à la hauteur de la stratégie avérée de ce ministre de la 3e République qui assurait « qu'il n'y a pas de problème qui ne soit résolu par une absence de décision... à la longue ». Il a fallu attendre la séance inaugurale de juin 1990 au cours de laquelle le ministre Nallet et le président régional Janot ont affirmé une volonté claire, relayée par des administrateurs convaincus qui n'hésitèrent pas ã maintenir le cap en présidant des comités de pilotage « non stop » sur le modèle des marathons de Bruxelles. Certes, chacun d'entre nous est attaché ã défendre une culture d'entreprise qui a le mérite d'assurer une cohérence mais, désormais, le statut d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel nous invite à trouver un autre style de relation à partir d'une base juridique d'avenir.

Deuxième maladie : des actions dispersées en matière de recherche. Désormais, les équipes de recherches regroupées en départements seront mieux armées pour soutenir des projets dans un climat qui sera marqué par une compétitivité accrue. De plus en plus la recherche, la capacité à innover deviennent le moteur de l'économie. Le stock de connaissances double tous les huit ans. Les centres de recherches, les écoles seront jugés sur leur capacité à produire des connaissances sur des thématiques nettement affirmées et, ainsi, à disposer d'une autorité morale qui aura un retentissement direct sur la valeur du diplôme attribué à leurs étudiants.

Troisième maladie : la séparation drastique entre deux univers. L'originalité de l'ENESAD résidera dans la synergie des deux missions : formation des ingénieurs et enseignants et recherche en éducation. Les deux axes peuvent se révéler féconds... à condition qu'ils ne restent pas stratifiés en deux sous-ensembles parfaitement étanches. Un enseignant-chercheur, formateur d'ingénieurs n'aura-t-il pas intérêt à tirer le meilleur parti des travaux en didactique des disciplines, sur les profils individualisés d'acquisition, les méthodologies d'évaluation ? Par ailleurs, le chercheur en éducation n'a-t-il pas intérêt à travailler en relation avec le milieu productif ? Quels que soient les progrès les plus miraculeux des sciences humaines, la pédagogie est aussi un art de communiquer, une relation toujours à construire entre un public, un contenu, un contexte social, et la capacité à effectuer des synthèses opératoires en fonction d'un objectif. Ne convient-il pas, dans cette perspective, d'étudier avec attention le classement proposé par Chevassus directeur de l'INRA entre sciences du contexte, sciences du vivant, sciences de l'intégration ?...

Il ne saurait exister de « chercheur » en pédagogie qui ignorerait l'affrontement avec un groupe, ses tensions, ses émotions, ses potentialités ! Il ne saurait exister d'enseignant, fut-il du supérieur, qui ne s'inquiéterait point des progrès vers une individualisation des parcours, des relations économie-emploi, de l'apport de sa discipline aux nouvelles approches synthétiques...

0ui, l'ENESAD, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel a guéri juridiquement le complexe dijonnais de ses maladies endémiques. Il nous appartient de transformer l'essai grâce à une gestion souple et déconcentrée où chacun se sentira responsable de la construction de son avenir par l'ouverture de nouvelles routes !...

[Texte paru dans le 1er numéro du bulletin de l'ENESAD, Transition]

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