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L'école des paysans

Loi du 2 août 1918. Elaboration, adoption.

5 Janvier 2018 , Rédigé par Michel Boulet Publié dans #Textes officiels

Projet de loi sur l'organisation de l'enseignement professionnel de l'agriculture . (30 mars 1912)

Exposé des motifs.

Messieurs,

Depuis le commencement de ce siècle, toutes les nations font des efforts considérables pour développer et perfectionner leur enseignement professionnel agricole.La France n'est pas restée étrangère à ce mouvement, et, soit qu'on examine l'enseignement supérieur, soit qu'on s'arrête à l'enseignement populaire, ou qu'on arrive à l'enseignement primaire appliqué aux jeunes gens et aux jeunes filles, partout on trouve la trace des préoccupations qui ont assailli nos prédécesseurs et qui ont provoqué des mesures tendant à mettre nos institutions agricoles en harmonie avec les besoins nouveaux.
Nous devons cependant reconnaître, si nous passons en revue les organisations réalisées à l'étranger, que, soit sur un point, soit sur un autre, nous sommes dépassés par les nations qui nous entourent.

En présence de la dépopulation croissante de nos campagnes, dans un pays qui, comme le nôtre, doit à son agriculture les sources les plus nettes de sa richesse, il n'est pas possible d'attendre plus longtemps pour organiser et compléter notre enseignement agricole.

Nous tenons à le redire : il a beaucoup été fait ; mais l'évolution de nos sociétés modernes qui modifie les conditions économiques de la production, la nécessité, dans une démocratie comme la nôtre, d'assurer l'enseignement professionnel à toutes les classes de la population et dans les conditions les mieux appropriées aux milieux divers, exigent une refonte de nos organismes d'enseignement, une coordination qui n'avait pu jusqu'ici être réalisée pendant la période de gestation imposée fatalement à une œuvre de l'importance de celle que nous envisageons.

Le Parlement a, d'ailleurs, cette année, à l'occasion du vote du budget de l'agriculture, nettement manifesté son désir d'entrer dans cette voie.

Il a notamment exprimé son sentiment sur la nécessité de créer l'enseignement post-scolaire, d'organiser les écoles d'hiver, de développer l'enseignement ménager pour lequel il a voté des crédits spéciaux, de relever nos écoles pratiques d'agriculture.

Or, ce résultat ne peut être atteint que si nous formons, pour chacun de ces organismes d'enseignement, des maîtres et maîtresses bien préparés à leur tâche. Il devenait donc indispensable d'assurer cette formation des professeurs par une section spéciale dans nos écoles nationales d'agriculture qui doivent, d'autre part, donner un enseignement approprié à des agriculteurs au courant de tous les progrès modernes.

Mais, ce dernier objectif implique de plus en plus, pour nos écoles, l'existence de moyens d'application qui leur font défaut aujourd'hui. Ce sont ces créations que nous vous demandons. Groupées autour de nos grandes écoles, utilisant leurs laboratoires et leurs installations, elles serviront à la fois aux fils d'agriculteurs qui y trouveront cette instruction pratique, indispensable à ceux qui font de l'agriculture industrielle, et aux ingénieurs agronomes qui veulent devenir professeurs ; enfin elles exigeront ainsi
une dépense relativement réduite, aussi bien pour l'installation que pour le fonctionnement ultérieur.

Certainement, la réalisation de ce plan ne sera que successive, mais son adoption immédiate n'en est
que plus indispensable. Chaque amélioration qu'il sera possible d'obtenir doit, en effet, trouver de suite sa place prévue au milieu d'un ensemble, comme les pierres numérotées d'un édifice bien conçu viennent s'insérer au point exact qui leur est assigné.

Nous éviterons ainsi des dépenses inutiles, des à-coups funestes à la marche progressive de notre enseignement, des créations isolées qui ont le gros inconvénient de ne pas se rattacher à un ensemble harmonieux et qui entravent ensuite la réalisation de tout progrès.

Le problème de l'enseignement agricole dans notre pays est le suivant : Nous avons un million de jeunes ruraux appartenant aux diverses classes de la société ; 2 500 environ sont répartis dans nos divers établissements. Comment assurer à tous le bénéfice de l'enseignement agricole ? Nous avons également environ un million de jeunes filles vivant à la campagne ; comment leur donner une bonne instruction agricole et ménagère ?

ENSEIGNEMENT AUX JEUNES GENS.

Enseignement supérieur.

I. Institut national agronomique. II. Écoles nationales d'agriculture

Pour les jeunes gens les mieux doués qui veulent se consacrer aux recherches scientifiques aux grandes industries agricoles, au professorat, à la grande et moyenne culture, nous avons l'Institut national agronomique et trois écoles nationales d'agriculture (Grignon, Montpellier et Rennes), où ils peuvent recevoir un enseignement complet.

Mais, dit M. Fernand David, dans son rapport sur de budget de l'Agriculture, « ces
écoles souffrent d'une sorte de malaise ... On peut se demander dans ces conditions s'il ne conviendrait pas de remanier toutes ces écoles qui, à l'origine, avaient des objets différents qui, par quelque côté, laissent les unes et les autres à désirer, qui se jalousent, et de les amener à se prêter un mutuel appui ».

Nous devons reconnaître, en effet, que l'Institut agronomique n'a pas, jusqu'ici, joué le rôle d'école polytechnique de l'agriculture que ses fondateurs lui avaient assigné : il lui a manqué la plupart des écoles d'application qui lui sont nécessaires.

II lui fallait, en plus de l'école forestière et de l'école des haras, des écoles de sucrerie, de distillerie, de laiterie, d'aviculture, etc., et enfin une école modèle pour la formation des maîtres.

Nos écoles nationales souffrent, également de l'absence des industries annexées à la ferme.

Les élèves ont besoin de trouver, à côté de l'enseignement agricole, en plus d'une ferme ordinaire, les divers organismes industriels qui répondent aux conditions culturales particulières aux régions dans lesquelles ils exerceront. Notre agriculture s'industrialise de plus en plus ; le machinisme y prend et y prendra chaque jour davantage une importance accrue ; nos élèves des grandes écoles doivent vivre cette vie agricole et industrielle.

Compléter notre Institut national agronomique comme organe d'un enseignement véritablement supérieur, permettre aux jeunes ingénieurs agronomes qui en sortent de trouver des milieux où ils achèveront leur instruction technique en spécialisant leurs études, utiliser à cet effet nos diverses écoles nationales d'agriculture tout en laissant à chacune d'elles son rôle bien défini et sa caractéristique spéciale, établir les procédés à l'aide desquels ces organismes se prêteront le concours nécessaire et se pénétreront réciproquement, tel a été le but poursuivi par la Commission de l'enseignement supérieur dont les membres éminents ont préparé la première partie du projet de loi (Institut national agronomique, écoles nationales d'agriculture) que nous vous présentons. Ce projet trace les grandes lignes de la réforme de tout notre enseignement supérieur; il crée une liaison avantageuse entre l'Institut national agronomique et les écoles nationales ; il parachèvera l'oeuvre commencée qui tend à faire de l'Institut agronomique une école polytechnique de l'agriculture. Avec les nouvelles dispositions, les élèves feront, comme actuellement, deux années d'études à l'Institut pendant lesquelles ils étudieront les sciences physiques, chimiques et naturelles appliquées à l'agriculture. Puis, à la fin de ces deux années, ils se spécialiseront de la manière suivante :

1° Pour les eaux et forêts ainsi que pour les améliorations agricoles, ils iront à l'École forestière ;

2° Pour les sciences hippiques, à l'École des haras ;

3° Pour l'agriculture, les industries agricoles, le professorat (formation pédagogique), ils iront aux écoles nationales d'agriculture dans la section, normale supérieure dont la nécessité est évidente.

La section normale supérieure de l'école nationale de Grignon, par exemple, comprendra :

a. Une série d'écoles autonomes d'industries agricoles : écoles de sucrerie, de brasserie, de distillerie, de laiterie, de fromagerie, etc., dans l'autonomie actuelle de l'école.

Il y a déjà à Grignon presque toute l'école de laiterie et fromagerie, l'école d'aviculture, l'école d'apiculture ; il n'y a qu'à compléter les installations actuelles.

b. Une ferme modèle.

c. Une école pratique d'agriculture modèle pour la formation des professeurs.

Toutes les écoles d'industries agricoles seront de véritables organismes d'industries expérimentales susceptibles de fournir aux intéressés les éléments d'information sur les causes des accidents de fabrication si fréquents encore dans nos diverses usines. Le grave défaut que présentent la plupart de nos écoles professionnelles en France est de considérer l'application, la pratique, comme une illustration du cours, ce dernier étant presque tout ; et alors, nos écoles d'industries agricoles ne sont pas de vivantes réalités ; les fils de nos praticiens ne les fréquentent pas, parce qu'elles ne peuvent pas former elles-mêmes des praticiens éclairés.

Nous voulons, à l'exemple des pays du Nord de l'Europe où les écoles professionnelles vraiment pratiques ont tant de succès, grouper autour de nos écoles nationales les diverses industries agricoles où les élèves apprendront réellement la pratique du métier au lieu de se confiner dans les questions théoriques ; les cours ne seront alors que la pratique expliquée.

Cette organisation réalisera l'union intime de la théorie et de la pratique s'expliquant et se complétant. Nos écoles deviendront des universités agricoles pourvues de tous les moyens d'enseignement qu'exige l'instruction professionnelle moderne.

Nous sommes persuadés que le nombre des élèves les fréquentant sera, en peu de temps, relativement très élevé : on y recevra, en effet, non seulement les élèves venus de l'Institut agronomique, mais aussi des élèves réguliers et des auditeurs libres arrivant directement du dehors, n'ayant besoin d'étudier qu'une spécialité.

La ferme modèle sera la ferme actuelle de Grignon où les élèves, autres que les futurs professeurs, viendront acquérir la pratique agricole que nécessite la conduite d'une exploitation rurale, apprendre comment on met en œuvre les données scientifiques pour l'alimentation du bétail, comment on contrôle et organise le travail, comment on manœuvre les machines agricoles.

L'école pratique d'agriculture modèle, qui complétera cet ensemble, servira à la formation pédagogique des futurs professeurs d'écoles pratiques et aussi des professeurs d'agriculture qui, en plus de leurs fonctions administratives, doivent professer à l'école normale, au collège, à l'école primaire supérieure, à l'école d'hiver, etc.

Cette école est demandée depuis bien des années.

En 1904, M. Mougeot en prévoyait l'existence, après avoir reconnu que cette création dominait toute la réforme de l'enseignement dans nos écoles pratiques d'agriculture. M. Fernand David, il y a deux ans, dans son rapport sur le budget de l'agriculture, en réclamait l'organisation urgente en faisant remarquer que la formation des professeurs est, sinon l'unique remède au malaise dont souffrent nos écoles d'agriculture, du moins le premier et le plus efficace. On ne peut que s'étonner de voir qu'il ait fallu si longtemps chez nous pour se pénétrer de cette vérité, qui paraît pourtant banale : qu'on peut être très instruit et ne pas savoir enseigner, que le métier de professeur, comme tous les autres métiers, doit s'apprendre.

La section normale supérieure que nous créerons à Grignon, et que nous avons prise comme exemple, existera également aux écoles nationales d'agriculture de Montpellier et de Rennes : à Montpellier, avec une orientation nettement viticole et œnologique, avec étude des cultures méridionales et, en plus, avec une école ou section coloniale ; à Rennes, avec une école de cidrerie, une école de laiterie, une école d'arboriculture fruitière, une école de drainage et d'irrigation,etc.

Les écoles nationales, loin de perdre à l'organisation prévue, y trouveront un bénéfice certain ; c'est une addition que nous proposons et non une substitution.

D'ailleurs, les écoles nationales conserveront leur recrutement actuel ; elles continueront à recevoir les fils d'agriculteurs sortis du collège ou du lycée et qui ne veulent acquérir que les connaissances nécessaires à la direction de leurs propriétés ; elles recevront encore, comme par le passé, les bons élèves d'écoles pratiques désireux d'être régisseurs de grandes propriétés. Elles accepteront les bacheliers, sans examen, ainsi que les étrangers jouissant d'un diplôme équivalent, dans la limite des places disponibles. L'ensemble de tous ces élèves formera la section agricole nettement séparée de la section normale supérieure, mais pouvant se servir pour son enseignement de chacun des organismes de cette dernière. La durée des études à la section agricole sera de deux ans au lieu de deux ans et demi.
Comme il est juste et démocratique de ne pas fermer l'accès de l'Institut agronomique aux meilleurs élèves d'écoles nationales, quelquefois anciens élèves d'écoles pratiques, nous avons cru devoir leur réserver 30 places au concours. Deux ans à la section agricole, deux ans à l'Institut agronomique et enfin an an à la section normale supérieure ne constitueront pas, pour cette catégorie d'élèves, une durée d'études trop longue, car l'âge moyen d'admission à l'école nationale est de 17 ans environ, tandis que l'âge moyen d'admission à l'Institut agronomique est ordinairement de 19 et même de 20 ans.

Remarquons, d'ailleurs, que les élèves de nos écoles nationales d'agriculture qui veulent arriver aux fonctions administratives, au professorat départemental, aux stations de recherches, sont conduits à poursuivre leurs études souvent dans des conditions fort pénibles pour eux et peu favorables à leur réussite. Nous éviterons à ces jeunes ingénieurs agricoles, bien doués, mais disposant de faibles ressources, les dures années de préparation et nous leur faciliterons l'accès de la carrière qu'ils convoitent. Ils trouveront à l'Institut agronomique d'abord, à la section normale des écoles nationales ensuite, tous les éléments d'une forte préparation. Mais si nous imposons à nos jeunes étudiants agricoles une durée accrue d'études, il est juste que les fonctions de l'Etat (professeurs d'écoles pratiques, professeurs d'agriculture, préparateurs, répétiteurs à l'Institut national agronomique et dans les écoles nationales) leur soient réservées. D'ailleurs, il n'est pas admissible que nos fonctionnaires n'offrent pas de garanties sérieuses au point de vue instruction (pour enseigner peu, il faut savoir beaucoup), et seuls rempliront ces conditions ceux qui auront fréquenté la section normale supérieure.
Comme on le voit, la solution proposée n'est pas celle qui consiste à obliger tous les élèves désireux d'aller à l'Institut agronomique à passer par les écoles nationales (elle ne cadrerait pas avec la préparation des forestiers et des ingénieurs des améliorations agricoles) ; elle n'est pas non plus celle qui considère les écoles nationales seulement comme les écoles d'application de l'Institut agronomique (Ce serait détruire les écoles nationales). C'est une solution mixte que nous proposons, tenant compte des intérêts en jeu, lesquels doivent être sauvegardés tous à un égal degré. Le sacrifice de l'un quelconque de nos organismes actuels d'enseignement agricole, aux dépens duquel d'autres peuvent paraître grandir, ne serait en effet qu'une solution déplorable qui ne se traduirait pas par un réel progrès, mais au contraire par une diminution de nos moyens d'action en vue du développement de notre agriculture.

Avec la réforme que nous venons d'exposer, l'harmonie naîtra là où il y avait désunion, et le niveau de l'enseignement supérieur sera manifestement surélevé.

Certes, nous n'espérons pas que du jour au lendemain ce plan soit réalisé dans toute son ampleur, mais il peut être mis rapidement en pratique en utilisant les ressources de nos écoles nationales dont nous compléterons successivement les moyens d'action. Et nous avons l'intime conviction qu'une fois entré dans cette voie, on en ressentira si vite les heureuses conséquences, qu'on sera amené à doter nos établissements des organismes qui leur manquent, et à assurer ainsi leur complet épanouissement dans l'orientation que nous indiquons.

Qu'on veuille bien remarquer d'ailleurs que cette réforme de nos organismes d'enseignement supérieur, qui peut, a priori, effrayer par son importance, qui met en jeu bien des questions accessoires, domine toute la réforme de l'enseignement des écoles pratiques et toute l'organisation de l'enseignement départemental aussi bien que celle de l'enseignement postscolaire et ménager.

Ce n'est, en effet, que par la formation de maîtres préparés à leur tâche que nous assurerons la réussite des divers enseignements.

Les professeurs de nos écoles pratiques doivent avoir, indépendamment de leur instruction scientifique, une préparation spéciale sans laquelle ils sont inférieurs à leur tâche, comme nous le constatons malheureusement si souvent aujourd'hui ; nos professeurs d'agriculture départementaux, qui enseignent à l’École normale, ont également besoin de cette formation particulière si nous voulons qu'ils puissent préparer les instituteurs à leur nouveau rôle.

L'Institut national agronomique, complété par nos écoles nationales, réalisera ce but et, comme nous le faisons observer ci-dessus, les élèves de ces écoles nationales bénéficieront de l'organisation réalisée, en même temps que le recrutement de nos grands établissements d'enseignement agricole s'en trouvera certainement accru et amélioré.

Il est donc indispensable, pour que le plein effet des mesures projetées soit obtenu, que nos écoles nationales soient choisies pour la préparation des maîtres. Toute autre disposition, qui laisserait ces écoles en dehors de la réorganisation générale, ne conduirait qu'à un résultat amoindri et incomplet.

L'antagonisme de l'Institut national agronomique et de nos écoles nationales se perpétuerait au plus grand préjudice de notre enseignement et du judicieux emploi de nos ressources budgétaires.

Enseignement moyen

I Écoles pratiques d'agriculture. II Fermes-écoles

Pour les fils de petits propriétaires et de fermiers, nous avons les écoles pratiques que nous appellerons Ecoles professionnelles d'agriculture. Ces écoles sont destinées à recevoir les jeunes gens qui, au sortir des écoles primaires, des écoles primaires supérieures ou des collèges, désirent acquérir l'instruction professionnelle agricole. Elles tiennent le milieu entre les fermes-écoles et les écoles nationales d'agriculture, et leur but est de former des agriculteurs éclairés. La durée des études est de deux à trois ans. Le temps pendant lequel les élèves sont occupés est partagé en deux parties : la moitié de la journée est consacrée aux travaux de la culture, aux soins à donner aux animaux, au maniement des machines, aux travaux du jardin, etc. L'autre moitié est réservée aux leçons, études, exercices de laboratoire. On évite ainsi à la fois le surmenage intellectuel et la lassitude corporelle.

Le type école pratique d'agriculture, lorsqu'il est bien compris, reste le type idéal d'école professionnelle pour ceux qui désirent recevoir un enseignement agricole moyen et peuvent rester deux ou trois ans dans un établissement d'instruction. II a très bien réussi a l'étranger, et s'il n'a pas donné en France d'aussi bons résultats, c'est qu'il demande des réformes importantes dans son organisation et son programme d'enseignement. Du moment que quelques-unes de nos écoles pratiques d'agriculture actuelles sont très prospères, nous devons nécessairement, par de judicieuses transformations, obtenir, dans l'ensemble de nos écoles, des résultats satisfaisants.

La réforme de l'enseignement supérieur aura des conséquences heureuses pour notre enseignement agricole moyen puisqu'elle prévoit, comme nous l'avons dit plus haut, la formation pédagogique des professeurs d'écoles pratiques et des professeurs d'agriculture, ainsi qu'une instruction pratique de ces maîtres, assurée par les nombreuses applications qu'ils pourront faire à la ferme modèle et aux écoles d'industries agricoles.

Les postes de professeurs seront donnés au concours, et ce concours sera le même que celui imposé aux professeurs spéciaux d'agriculture, ce qui créera une même origine pour tout le personnel, et permettra l'extériorisation de nos écoles. L'Allemagne, l'Autriche, l'Italie et la Hongrie ont développé leurs écoles pratiques d'agriculture. Tous ces pays, de même que l'Angleterre el l'Amérique, ont extériorisé leurs écoles; ces dernières ne servent pas seulement aux élèves, mais aussi aux agriculteurs de la région : ce sont des centres agricoles.

Nous étendrons le rôle si effacé jusqu'ici de nos écoles pratiques, isolées au milieu du grand public, avec lequel elles n'ont actuellement que des relations accidentelles : les professeurs, en dehors de leurs cours réguliers, feront des conférences aux agriculteurs de la région, sous la direction du professeur départemental, et après entente avec le directeur de l'établissement ; un comité de consultations gratuites sera organisé pour le public dans chaque école. Nous annexerons à la plupart de nos écoles pratiques une école d'hiver, une école ménagère à courte durée ou une école de laiterie pour jeunes filles pendant un mois au moment des grandes vacances. Nous organiserons, dans chaque établissement, des cours réduits pour adultes (cours de taille des arbres fruitiers, cours de greffage, cours concernant la fabrication des conserves alimentaires, etc.)

Pour les enfants des familles d'ouvriers ruraux, nous avons les fermes-écoles organisées
en vertu des lois des 3 octobre i848 et 3o juillet 1875.

Les élèves y sont considérés comme des apprentis ouvriers ; ils y exécutent tous les travaux et y reçoivent, en même temps qu'un enseignement agricole essentiellement pratique, une rémunération de leur travail par une prime de sortie établie d'après leur rang de classement, et qui en aucun cas ne peut excéder 300 francs.

En 1848, nous avions 70 fermes-écoles ; leur nombre a diminué peu à peu ; en 1870, il y en avait 52 ; en 1894, nous n'en avons plus que 16 ; et à l'heure actuelle, il n'en reste que 10.

La disparition de ces établissements est due principalement à l'enseignement trop réduit qu'on y a donné : les trois quarts du temps étaient consacrés aux travaux purement manuels de culture, l'enseignement était réduit à sa plus simple expression, et par cela même incomplet. Les agriculteurs n'ont plus voulu y envoyer leurs enfants.

Bien adaptée à l'origine aux besoins du pays, l'instruction qu'elles donnent est maintenant insuffisante.

L'agriculture est devenue plus raisonnée, plus scientifique ; l'enseignement agricole a dû évoluer dans le même sens.

Les 10 fermes-écoles qui nous restent encore, et qui nous rendent de très bons services, n'ont survécu qu'en élevant le niveau de leur enseignement et qu'en se rapprochant du genre école pratique. Le même fait s'est produit dans tous les pays étrangers où il existait des fermes-écoles : toutes ont disparu ou se sont transformées en écoles pratiques.

Fermes-écoles et écoles pratiques d'agriculture réorganisées prendront le même nom d'écoles professionnelles d'agriculture.

III. Écoles d'agriculture d'hiver

Pour les fils de petits cultivateurs qui ne peuvent aller passer deux ou trois ans dans une école professionnelle d'agriculture, parce que leurs parents ont besoin d'eux l'été, nous voulons multiplier les écoles d'hiver, si appréciées à l'étranger.

L'Allemagne possède 118 de ces écoles, l'Autriche (non compris la Hongrie) 57, la Suisse
en a 9, la Hollande 10. Des essais ont été faits en France.

Nous possédons actuellement 9 écoles d'hiver : nous pouvons conclure de nos essais que ce genre d'établissement sera bien accueilli chez nous.

Il faut maintenant réglementer la création et l'organisation des nouvelles écoles.

La durée de l'enseignement a été fixée à deux hivers à raison de 3 à 4 mois par hiver de novembre à mars.

Le personnel comprendra, généralement : un professeur chargé de la direction de l'école et enseignant l'agriculture (y compris les notions, sur les machines agricoles, les constructions rurales, l'économie et la législation rurales, les industries agricoles de la région tells que la laiterie, la vinification, la cidrerie, etc.) ; un professeur de sciences physiques, chimiques et naturelles appliquées à l'agriculture ; un médecin-vétérinaire pour enseigner les. soins, à donner aux animaux de la ferme, l'hygiène, etc. ; un maître jardinier ; professeur d'arboriculture et de culture potagère ; un instituteur chargé de l'enseignement de l'arpentage, du nivellement, de la comptabilité agricole et du français.

C'est à un professeur d'agriculture qu'il convient de confier, non seulement l'enseignement agricole à l'école d'hiver, mais encore la direction de l'ensemble ; d'ailleurs ce professeur d'agriculture est tout indiqué pour assurer un bon recrutement dans une région dont il doit connaître mieux que personne les besoins et les aspirations.

Les écoles d'hiver ne peuvent être également organisées que par le Ministère de l'agriculture où l'on peut disposer dès maintenant d'un personnel technique suffisant ; mais la collaboration du Ministère de l'instruction publique est indispensable. L'installation, économique de l'école est facilement réalisée dans les locaux des écoles de l'instruction, publique et grâce à certains de nos professeurs et instituteurs.

Cette collaboration des deux Ministères est faite.

Comme l'unique ambition de chacun d'eux est de servir la démocratie eu instruisant nos populations rurales et, par conséquent, en contribuant à la prospérité économique du pays, il est certain qu'une entente parfaite existera toujours entre les deux Départements pour l’œuvre commune à réaliser.

D'ailleurs, d'après notre projet de loi, lorsque l'école d'agriculture d'hiver sera établie dans des locaux appartenant à des établissements dépendant du Ministère de l'instruction publique, le directeur nommé par le Ministre de l'agriculture sera seulement directeur technique et ne s'occupera que de l'enseignement, tout ce qui concerne la partie administrative (pensionnat, surveillance d'internat, etc.) restera placé sous la direction du chef de l'établissement universitaire et sous le contrôle du Ministère de l'instruction publique.

Nous n'admettrons dans les écoles d'hiver que les jeunes gens âgés d'au moins 15 ans 1/2 à 16 ans, et lorsqu'ils auront fait deux ou trois ans de pratique agricole, comme cela a lieu en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Suisse, en Hollande, en Danemark. Dans les essais que nous avons faits, nous avons constaté que les jeunes gens sont d'autant plus aptes à s'assimiler l'enseignement de l'école d'hiver qu'ils ont davantage pris part, avant leur admission, aux divers travaux des champs. En Hollande, on a parfaitement constaté que l'enseignement agricole ne doit pas être donné à des élèves trop jeunes qui ne sont pas encore au courant de la pratique.

En procédant ainsi, nous ne faisons pas de nos écoles d'hiver des concurrentes des écoles pratiques ; ces deux sortes d'établissements ne recevront pas la même clientèle.

En France, on croit trop généralement que les écoles d'hiver doivent remplacer les écoles pratiques ; c'est une erreur que l'on ne commet pas à l'étranger, où écoles pratiques et écoles d'hiver vivent côte à côte, les unes et les autres très prospères.

ENSEIGNEMENT AUX JEUNES FILLES

Enseignement ménager et agricole.

Nous croirions manquer à notre devoir si nous ne songions pas à l'instruction de la femme. Le rôle de la femme à la ferme est si important, son influence sur l'homme pour le retenir à la terre est si grande, qu'il est indispensable de créer un enseignement pour les jeunes filles, parallèle à celui qui existera pour les garçons. L'éducation professionnelle de la jeune fille apparaît comme socialement nécessaire dans l'intérêt supérieur de la collectivité.

Nous n'avons actuellement que trois écoles pratiques pour jeunes filles, et seulement quinze écoles ménagères ambulantes, alors qu'en Allemagne il existe 48 écoles ménagères. La Belgique possède une école supérieure et 20 écoles ménagères fixes ou ambulantes. Le Luxembourg, avec ses 245 ooo habitants, compte 15 écoles ménagères.

Si la France, avec ses 37 millions d'habitants, possédait proportionnellement à sa population autant d'écoles ménagères que ce dernier pays, elle aurait 2 265 de ces établissements, et l'Allemagne, pour atteindre les mêmes proportions devrait en avoir 3 000.

Avec, les crédits votés par le Parlement, nous voulons créer :

1° Des écoles ménagères et ambulantes correspondant aux écoles d'hiver ambulantes de garçons ;

2° Des écoles temporaires fixes correspondant aux écoles d'hiver fixes de garçons ;

3° Des écoles professionnelles agricoles et ménagères correspondant aux écoles pratiques d'agriculture de garçons.

Mais, pour toutes ces écoles nouvelles, il faut un personnel de choix qui ne peut être formé que dans une école supérieure spéciale. Afin d'éviter les dépenses élevées de création d'un semblable établissement, nous avons décidé d'utiliser l’École nationale d'agriculture de Grignon : les jeunes filles munies du brevet élémentaire seront admises, au concours, pour une période de trois mois (du 15 juillet au 15 octobre, lorsque les jeunes gens sont en vacances), puis feront un stage de neuf mois, comme élèves maîtresses, dans les écoles ménagères déjà existantes, tout en suivant un programme d'études pratiques nettement déterminées, et enfin reviendront à Grignon pour une deuxième et dernière période de trois mois. La durée des études sera donc de un an et demi, suffisante puisque l'on n'aura pas à s'occuper de l'instruction générale des élèves maîtresses.

A côté de ces élèves qui se destinent au professorat et qui formeront la section normale supérieure, nous recevrons, dans une section dite d'enseignement supérieur, les filles d'agriculteurs qui veulent devenir plus tard, pour nos exploitants de grands domaines, des compagnes dignes d'eux et capables de les seconder.

Nos écoles nationales d'agriculture de garçons (Grignon, Montpellier et Rennes) seront ainsi, pendant les vacances, les écoles supérieures d'enseignement agricole et ménager pour les jeunes filles, sans dépenses importantes de première installation ; nous n'aurons à payer que le personnel. Les professeurs femmes utilisées dans ces écoles serviront d'inspectrices entre deux périodes scolaires de trois mois.

D'ailleurs, pour presque toutes nos écoles agricoles et ménagères, nous utiliserons le système des écoles à deux fins que l'on applique à l'étranger : partout où nous le pourrons, dans nos écoles pratiques de garçons, pendant les vacances, nous créerons un enseignement pour nos futures ménagères de la campagne. D'accord avec le Ministère de l'instruction publique, nous nous installerons dans les locaux de l'enseignement universitaire et primaire : là encore l'accord entre les deux ministères portera ses fruits.

Nous pensons qu'il n'est pas possible de résoudre plus économiquement le problème de l'enseignement agricole et ménager aux jeunes filles.

ENSEIGNEMENT AGRICOLE PRIMAIRE AUX JEUNES GENS ET AUX JEUNES FILLES.

Enseignement agricole postscolaire.

Nous ne voulons pas oublier que les déshérités de la fortune ne peuvent s'instruire que si on leur apporte l'instruction, pour ainsi dire jusque chez eux, dans leur village, puisqu'ils n'ont pas les moyens de fréquenter ni les écoles d'agriculture d'hiver, ni les écoles professionnelles d'agriculture. Pour eux, qui représentent la grande masse de notre démocratie paysanne, si méritante, si admirable par son amour du travail, son attachement à la terre et son énergie, nous désirons créer, de concert avec le Ministère de l'instruction publique, cet enseignement postscolaire agricole dont la nécessité ne se discute plus.

L'expérience nous a démontré que l'enseignement agricole reçu par les enfants de 9 à 12 ans ne produisait pas de résultats aussi satisfaisants que ceux qu'on avait escomptés. C'est plutôt de 13 à 18 ans, pendant l'hiver, après la période scolaire primaire, qu'il faut songer à donner cet enseignement, c'est-à-dire au moment où le jeune homme, déjà aux prises avec les difficultés pratiques, est apte à le recevoir et à l'apprécier.

Pour porter l'instruction agricole d'une manière continue jusque dans le plus humble village, il ne pouvait être question de créer de nouveaux fonctionnaires : ils auraient été trop nombreux. Il fallait nécessairement faire appel à l'instituteur ; la collaboration intime du.Ministère de l'agriculture et du Ministère de l'instruction publique, dans l'intérêt de nos populations rurales, était encore ici absolument indispensable.

Ainsi que le fait remarquer M. Fernand David, qui s'est beaucoup occupé d'enseignement postscolaire, les instituteurs n'auront qu'à gagner à cette modification, à cette extension de leur rôle social. « Ils seront plus rompus aux nécessités locales avec les quelles ils doivent être en contact journalier ; ils comprendront mieux les besoins des paysans, ils vivront mieux de leur vie, ils se feront mieux à la mentalité générale du pays, et leur oeuvre éducatrice s'en trouvera singulièrement fortifiée. »

L'enseignement agricole ne sera pas exclusivement professionnel. L'instituteur en effet, ne peut avoir la prétention d'enseigner aux élèves la pratique manuelle des opérations culturales que les agriculteurs, pères de famille, peuvent enseigner eux-mêmes. Il leur donnera simplement des notions de sciences physiques,et naturelles appliquées à l'agriculture sous forme de leçons de choses ; il leur fera connaître les plantes et les insectes utiles ou nuisibles à l'agriculture ; il leur expliquera le « pourquoi » et le « comment », de toutes les opérations agricoles; il leur dira ce que sont les engrais, comment on les achète, comment on s'en sert, comment on sélectionne les bonnes semences, comment on doit nourrir le bétail et l'améliorer ; « il leur montrera,les bienfaits de l'application des idées de coopération, de mutualité et de prévoyance. Quant à la partie vraiment pratique de l'éducation des jeunes ruraux, ils la trouveront sur le bien paternel, aux côtés du père de famille, dans le labeur de chaque jour. C'est là qu'ils pourront vérifier, utiliser les connaissances acquises dans l'enseignement théorique du maître et, c'est à ce contact qu'ils achèveront la formation de leur esprit. »

Les instituteurs ne seront pas, comme on l'a cru parfois, des professeurs d'agriculture ;
leur instruction professionnelle agricole serait insuffisante pour leur permettre de jouer ce rôle. Mais il est incontestable que, bien préparés, comme nous l'indiquerons plus loin, et guidés par nos professeurs d'agriculture, ils rendront au point de vue agricole d'immenses services au pays ; ils diffuseront sur tous les points de notre territoire les premières notions d'agriculture ; ils pourront être. dans certains cas, les porte-paroles de nos professeurs dont ils centupleront l'action ; ils orienteront surtout les enfants vers l'agriculture.
L'instruction agricole que nous voulons faire acquérir aux jeunes gens sera également offerte aux jeunes filles, modifiée cependant de façon à former de bonnes fermières et de bonnes ménagères.

Cet enseignement postscolaire que nous allons créer existe depuis douze ans en Hongrie, où il a rendu de très grands services ; des cours de perfectionnement fonctionnent en Allemagne avec d'excellents résultats. En Hollande, depuis treize ans, on se sert de instituteurs pour donner un enseignement aux adolescents, et on compte actuellement 440 instituteurs pourvus du brevet agricole.

Ce sont les agronomes français qui ont été les premiers à réclamer l'instruction ménagère.

Notre éminent collègue, M. Fernand David, a déposé, le 5 décembre 1910 un projet de loi sur l'enseignement agricole professionnel populaire qui trace bien, dans ses grandes lignes, l'enseignement de l'avenir et dont notre projet prépare pour plus tard l'application.

Le projet de M. Fernand David prévoit, comme le nôtre, l'enseignement agricole pour jeunes gens et jeunes filles, de 13 à 18 ans, à la sortie de l'école primaire, mais il nécessite la réforme complète de l'enseignement primaire ; il pose en principe que l'enseignement actuel est trop touffu, trop encyclopédique, et qu'il est nécessaire d'en élaguer certaines matières pour les reporter dans l'enseignement postscolaire, à un âge où l'intelligence de l'adolescent est devenue plus large que ne l'était l'intelligence de l'enfant. Il retranche ainsi dix heures à l'enseignement (ce qui réduit le temps consacré aux enfants de 9 à 13 ans, à 20 heures au lieu de 3o) et utilise ces dix heures à l'enseignement postscolaire.

Cette mesure implique évidemment l'obligation postscolaire, car on ne peut admettre, sous peine de revenir en arrière, que le programme total des études primaires soit écourté. De plus, le projet n'est applicable qu'à la condition qu'un projet parallèle soit admis pour l’enseignement postscolaire industriel et commercial.

Cette grande et belle réforme, qui appelle une retouche de l'oeuvre de Jules Ferry pour s'adapter aux conditions nouvelles de notre vie sociale, demande comme préliminaire un essai prudent, une préparation spéciale indispensable que permet le projet de loi que nous vous soumettons.

Nous ne touchons pas à l'enseignement primaire, nous juxtaposons simplement l'enseignement postscolaire à ce dernier. Nous évitons ainsi, l'obligation, légère, il est vrai, puisqu'on la limite aux mois d'hiver, mais à laquelle nos agriculteurs ne sont pas habitués. Plus tard, quand nos populations rurales auront reconnu les bienfaits de enseignement agricole postscolaire, l'obligation sera parfaitement acceptée. Lorsque les nouveaux instituteurs, mieux préparés à l'école normale, seront en grand nombre, une autre loi, celle de notre honorable collègue par exemple, pourra synthétiser tous les efforts et être appliquée facilement sans crainte de rester lettre morte.

Une difficulté sérieuse apparaît quand il s'agit d'organiser l'enseignement postscolaire, c'est la formation des maîtres. Cette difficulté a été étudiée, et des mesures ont été prises pour la résoudre, nous l'espérons, avec succès. Une commission interministérielle (Agriculture et Instruction publique) a examiné la question de la préparation agricole des élèves-maîtres à l'École normale : ces élèves, au lieu de recevoir 40 leçons d'agriculture en troisième année seulement, recevront dorénavant, du professeur départemental aidé d'un professeur adjoint, 15 leçons en première année, 15 leçons en deuxième année et 3o leçons en troisième année, soit 60 leçons en tout.

L'enseignement des sciences physiques et naturelles sera franchement orienté vers l'agriculture, et le professeur départemental posera des questions au brevet supérieur sur les applications agricoles. Enfin, la note obtenue en troisième année au certificat de fin d'études normales pour l'étude de l'agriculture, comptera dans une forte proportion pour l'obtention d'un brevet agricole délivré par le Ministre de l'agriculture aux instituteurs ayant au moins trois ans de service dans l'enseignement et ayant subi avec succès des examens spéciaux. Des conférences, des leçons pratiques, dans les écoles d'hiver, dans les écoles professionnelles d'agriculture seront faites par nos professeurs d'agriculture aux instituteurs vivant dans les milieux ruraux et préparant ce brevet agricole.

D'après l'enquête que nous avons faite, on compte, en moyenne, une trentaine d'instituteurs par département qui, par goût personnel, s'adonnent déjà à l'enseignement agricole, et qui pourront constituer le premier élément du corps enseignant nouveau.

La collaboration des deux Ministères de, l'agriculture et de l'instruction publique que demandait M.Fernand David pour la rédaction des nouveaux programmes, pour l'inspection de l'enseignement et pour la formation des maîtres, s'est produite dans des conditions de bonne harmonie parfaite parce que les prérogatives qui appartiennent à chacun ont été entièrement respectées.

Tel est, dans son ensemble, le plan que nous désirons suivre sans délai pour la
réorganisation et le développement agricoles. Il est facile de se rendre compte qu'il forme
un ensemble complet dont toutes les parties sont solidaires les unes des autres.

Il se rattache à la réforme du professorat départemental, objet de la proposition de loi de M. Viger, et s'adresse à toutes les classes de nos populations agricoles sans aucune exception. S'il entoure l'accès à l'enseignement supérieur, qui prépare nos professeurs, des garanties indispensables à la valeur de nos maîtres, il permet l'ascension des individualités les mieux douées du premier échelon au dernier, sans que puissent être étouffées, par des restrictions abusives, par des privilèges excessifs, les intelligences qui se révèlent successivement.

Aussi, s'il ne nous est pas possible d'espérer que ce plan soit réalisé immédiatement dans toute son ampleur, nous ne doutons pas un instant que le bon vouloir de tous, que les encouragements du Parlement assureront, à bref délai, l'entier épanouissement de cette réforme qui complète et synthétise tous les efforts faits par nos prédécesseurs.

PROJET DE LOI.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉCRÈTE :

Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté à la Chambre des députés par le Ministre de l'agriculture, par le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts et par le Ministre des finances, qui sont chargés d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion :

I. Enseignement, aux jeunes gens.

ART. 1°. L'enseignement professionnel de l'agriculture pour les jeunes gens est donné :

1° A l'Institut national agronomique, créé en vertu de la loi du 9 août 1876, avec les modifications apportées par la présente loi ;

2° Dans les écoles nationales d'agriculture (Grignon, Montpellier, Rennes), créées en vertu de la loi du 3 octobre 1848, avec les modifications apportées par la présente loi ;

3° Dans, les écoles professionnelles d'agriculture comprenant :

a. Les écoles pratiques d'agriculture instituées par la loi du 3o juillet 1875 ;

b. Les fermes-écoles créées en vertu du décret-loi du 3 octobre 1848 ;

c. Les écoles techniques dont l'enseignement a pour objet une spécialité agricole (industrie laitière, horticulture, viticulture, drainage, irrigation, etc.), avec les modifications apportées par la présente loi ;

4° Dans les écoles d'agriculture d'hiver ;

5° Dans les cours d'enseignement agricole postscolaires.

I. Institut national agronomique. — II. Écoles nationales d'agriculture.

ART. 2. L'Institut national agronomique reçoit des élèves réguliers et des auditeurs libres.

Les élèves réguliers sont admis au concours.

Un certain nombre de places, déterminé par décret, sont réservées de droit aux élèves diplômés des Écoles nationales d'agriculture : elles sont attribuées après un concours entre les élèves de toutes les écoles nationales d'agriculture (Grignon, Rennes et Montpellier).

ART. 3. A la sortie de l'Institut national agronomique, les élèves diplômés pourront compléter leur instruction professionnelle et se spécialiser dans l'une des écoles d'application suivantes, conformément aux décrets et arrêtés réglant l'admission des élèves dans ces établissements :

1° École des eaux et forêts ;

2° École des haras ;

3° Écoles nationales d'agriculture (section normale supérieure dont l'organisation sera réglée par décret).
ART. 4. Les candidats aux fonctions de professeur spécial d'agriculture, de professeurs d'école professionnelle d'agriculture, de préparateurs, de répétiteurs, chefs de travaux à l'Institut national agronomique et dans les écoles nationales d'agriculture, sont choisis exclusivement parmi les anciens élèves diplômés de l'Institut national agronomique ayant fait leur spécialisation dans la
section normale supérieure des écoles nationales d'agriculture.Toutefois cette disposition n'est pas applicable aux candidats aux fonctions indiquées et munis du diplôme d'ingénieur agronome ou du diplôme d'ingénieur agricole, obtenus antérieurement à ladite loi et pendant trois ans postérieurement à la même loi.

ART. 5. L'enseignement donné dans les écoles nationales d'agriculture comprend deux parties :

1° L'enseignement d'application donné aux élèves diplômés sortant de l'Institut national agronomique dans les conditions indiquées par l'article 3 (Section normale supérieure) ;

2° L'enseignement donné aux jeunes gens qui se destinent à la gestion des domaines ruraux ou qui aspirent à entrer à l'Institut national agronomique (Section agricole dont l'organisation sera réglée par décret).

III.
Écoles professionnelles d'agriculture.

ART. 6. Les fermes-écoles, les écoles pratiques, les écoles techniques prennent le nom générique « Écoles professionnelles d'agriculture ». Les écoles professionnelles spéciales sont dénommées d'après la nature de leur spécialité.

ART. 7. Les écoles professionnelles d'agriculture ne peuvent être établies que sur des domaines mis à la disposition de l'État pour une période de dix-huit ans au moins, en vertu d'un engagement pris par les ayants droit, vis-à-vis du Ministre de l'agriculture.

Ces domaines devront comprendre des bâtiments scolaires et d'exploitation en parfait état et réunissant les conditions reconnues nécessaires par le Ministre de l'agriculture.

L’État n'intervient pas dans les dépenses d'entretien du mobilier et des bâtiments scolaires, non plus que dans celles des bâtiments d'exploitation et du cheptel vif et mort, sauf cas exceptionnels.

Sont exceptées de ces dispositions, malgré leur titre d'écoles professionnelles, les fermes-écoles et les écoles pratiques actuellement existantes appartenant à des particuliers, ainsi que les écoles spéciales auxquelles la nature même de leur spécialité ne permet pas de satisfaire aux exigences des paragraphes 1 et 2.

ART. 8. La rétribution de tout le personnel dirigeant et enseignant des écoles professionnelles d'agriculture et les frais accessoires de l'enseignement sont à la charge de l'État.

ART. 9. Le prix de la pension affectée aux frais de nourriture et d'entretien des élèves est fixé, pour chaque école, par le Ministre de l'agriculture.

L'État, les départements et les communes peuvent attribuer aux élèves des écoles professionnelles d'agriculture des bourses entières ou partielles. et délivrer aux élèves diplômés des pécules ou primes de sortie.

ART. 10. Le programme des études est réglé par le Ministre de l'agriculture pour chaque école, suivant la spécialité culturale de la contrée et après avis d'un comité de surveillance et de perfectionnement dont la composition, ainsi que les attributions, sont déterminées par arrêté ministériel.

A chaque école professionnelle d'agriculture pourront être annexées :

1° Une école d'agriculture d'hiver ;

2° Une école ménagère agricole, ou une école de laiterie pour jeunes filles pendant la période des grandes vacances au moment où les jeunes gens sont renvoyés dans leurs familles.

Dans chaque école professionnelle d'agriculture pourront être organisés, pour les adultes, des cours temporaires.
Un comité de consultations, comprenant tout le personnel enseignant, est établi, dans chaque école pour donner gratuitement des renseignements.

IV. Écoles d'agriculture d'hiver.

ART. 11. Les écoles d'agriculture d'hiver sont fixes ou ambulantes. Elles ont pour but de donner, pendant la mauvaise saison, une instruction professionnelle agricole aux fils d'agriculteurs qui ne peuvent passer deux ou trois ans dans une école professionnelle d'agriculture.

Elles sont placées sous l'autorité du Ministre de l'agriculture.

ART. 12. Les écoles d'agriculture d'hiver ne peuvent être établies que dans les locaux mis à la disposition de l’État et contenant le matériel scolaire reconnu nécessaire par le Ministre de l'agriculture.
1° Elles peuvent être annexées à d'autres établissements d'enseignement agricole dépendant du Ministère de l'agriculture (écoles professionnelles d'agriculture, etc.);

2° Elles peuvent également être établies dans des locaux dépendant des lycées, collèges, écoles primaires supérieures ou de tout autre établissement d'instruction et mis, ainsi que le matériel scolaire, à la disposition du Ministre de l'agriculture, après entente avec le Ministre de l'instruction publique ou le Ministre sous l'autorité duquel est placé l'établissement d'instruction utilisé.

ART. 13. Les dépenses d'entretien des locaux et du matériel scolaires des écoles d'agriculture d'hiver mis à la disposition de l'État par les départements, communes, sociétés ou syndicats, sont à la charge desdits départements, communes, sociétés ou syndicats.

ART. 14. Le personnel dirigeant et enseignant est nommé par le Ministre de l'agriculture.

Dans le cas où l'école d"agriculture d'hiver est établie dans des locaux appartenant à des établissements dépendant du Ministère de l'instruction publique ou de tout autre ministère, le directeur nommé par le Ministre de l'agriculture est seulement directeur technique et ne s'occupe que de l'enseignement donné à l'école d'agriculture d'hiver.

Tout ce qui concerne la partie administrative (pensionnat, surveillance d'internat, etc.) est placé :
1° Sous la direction du proviseur, du principal du collège, du directeur d'école primaire supérieure et en général du chef de l'établissement ayant fourni les locaux ;

2° Sous le contrôle du Ministère dont dépend l'établissement dans lequel est installée l'école d'agriculture d'hiver.

ART. 15. Le programme des études est réglé par le Ministre de l'agriculture pour chaque école, suivant la spécialité culturale de la contrée et après avis d'un comité de surveillance et de perfectionnement dont la composition, ainsi que les attributions, sont déterminées par arrêté ministériel.

ART. 16. La moitié des sommes nécessaires pour le fonctionnement de l'école (traitement du personnel, frais matériels d'enseignement, indemnités, etc.) et pour le paiement des bourses aux élèves est payée par l'État (Ministère de l'agriculture) jusqu'à concurrence cependant d'une somme déterminée par décret, le reste étant à la charge du département ou de la commune ayant demandé la création de l'école d'agriculture d'hiver, sauf cas exceptionnels.

V. Enseignement postscolaire agricole.

ART. 17. L'enseignement postscolaire agricole peut être donné dans les écoles publiques rurales, aux jeunes gens qui ne peuvent fréquenter les Écoles d'agriculture.

La création de cet enseignement est demandée, soit par le Conseil municipal délibérant à cet effet, soit par la Commission départementale prévue à l'article 20.

Le Conseil général est appelé à émettre un avis dans la plus prochaine session : il prend en même temps l'engagement d'inscrire, au budget départemental, une subvention qui ne peut en aucun cas être inférieure au quart de l'indemnité prévue par l'article 19, ci-après.

Le Ministre de l'agriculture statue.

ART. 18. Cet enseignement est donné par les instituteurs aux jeunes gens à partir de l'âge de treize ans, pendant quatre ans au moins, à raison de trois mois au minimum pendant l'hiver et de 6 heures au moins par semaine.

ART. 19. Nul ne peut donner l'enseignement postscolaire agricole, s'il n'est pourvu du brevet agricole délivré par le Ministère de l'agriculture dans les conditions prescrites par arrêté ministériel après avis de la Commission interministérielle visée à l'article 21.

Ne peuvent se présenter à l'examen du brevet agricole que les maîtres pourvus du brevet élémentaire et du certificat d'aptitude pédagogique ayant au moins trois ans d'exercice dans l'enseignement.

Tous les instituteurs pourvus du brevet agricole, et qui donnent l'enseignement postscolaire agricole prévu par la présente loi, reçoivent une indemnité spéciale non soumise à retenue et bénéficient d'un congé fixé par décret.

ART. 20. Il est institué dans chaque département une Commission départementale chargée :

1° De dresser la liste des cours d'enseignement postscolaire agricole dont la création lui paraît nécessaire ;
2° D'arrêter le programme des cours appropriés à la région après approbation des Ministres de l'agriculture et de l'instruction publique.

Cette Commission départementale comprend, sous la présidence du préfet, un représentant du Ministère de l'agriculture, un représentant du Ministère de l'instruction publique et des notabilités agricoles désignées par arrêté ministériel.

ART. 21. Il est institué une Commission interministérielle permanente siégeant au Ministère de l'agriculture, composée par moitié de représentants du Ministère de l'agriculture et du Ministère de l'instruction publique.

Cette Commission est consultée sur les règlements relatifs à l'enseignement postscolaire agricole, sur l'organisation générale et les programmes de cet enseignement adaptés au besoin de chaque région, sur l'enseignement agricole donné à l'École normale primaire.

Elle donne également son avis sur toutes les questions d'enseignement postscolaire agricole qui lui sont soumises par les deux Ministères intéressés, soit directement, soit sur la demande des Commissions départementales.

ART. 22. L'enseignement postscolaire agricole est soumis à l'inspection faite par les représentants du Ministère de l'agriculture et à l'inspection du Ministère de l'instruction publique. La note qui servira de base à l'indemnité spéciale prévue par l'article 19 est arrêtée de concert par les fonctionnaires des deux Ministères chargés de l'inspection.

II. Enseignement aux jeunes filles.

ART. 23. L'enseignement agricole et ménager pour les jeunes filles est donné :

1° Dans les écoles supérieures portant le nom d'Écoles supérieures d'enseignement agricole et ménager. L'une de ces écoles comprend une section normale supérieure pour la préparation des professeurs et directrices de toutes les écoles d'enseignement agricole et ménager et prend le nom d'École normale supérieure d'enseignement agricole et ménager ;

2° Dans les écoles agricoles et ménagères fixes ; elles portent le nom d'Écoles professionnelles agricoles et ménagères ;

3° Dans les écoles agricoles et ménagères temporaires ; elles comprennent :

a) Des écoles temporaires fixes (elles portent le nom d'écoles agricoles et ménagères temporaires).

b) Des écoles temporaires ambulantes (elles portent le nom d'écoles agricoles et ménagères ambulantes) ;

4" Dans les cours d'enseignement agricole et ménager postscolaires.

Toutes les écoles d'enseignement agricole et ménager sont placées sous l'autorité du Ministre de l'agriculture.
Le personnel enseignant et dirigeant de ces écoles est nommé par le Ministre de l'agriculture.

VI. Écoles supérieures d'enseignement agricole et ménager.

ART. 24. Les écoles supérieures ont pour but de donner aux filles de propriétaires, de fermiers une saine éducation en rapport avec la profession agricole ainsi qu'une instruction agricole supérieure et ménagère.
Elles ne peuvent être établies que sur des domaines appartenant à l'État ou mis à la disposition de l'État.
ART. 25. La rétribution de tout le personnel dirigeant et enseignant des écoles supérieures et les frais accessoires de l'enseignement sont à la charge de l'État.

ART. 26. Le prix de la pension affecté aux frais de nourriture et d'entretien des élèves est fixé pour chaque école par le Ministre de l'agriculture.

L'État, les départements communes peuvent entretenir des élèves dans les écoles supérieures avec des bourses entières ou partielles.

ART. 27. Le programme des études est réglé par le Ministre pour chaque école supérieure.

ART. 28. Un Conseil de perfectionnement est institué près de chaque école supérieure. Sa composition et ses attributions sont réglées par arrêté ministériel.

ART. 29. La directrice et les professeurs de l'École normale supérieure d'enseignement agricole et ménager seront chargés de l'inspection de toutes les écoles d'enseignement agricole et ménager.

VII. Écoles professionnelles agricoles et ménagères.

ART. 30. Les écoles professionnelles agricoles et ménagères ont pour but de donner aux filles d'agriculteurs une instruction agricole et ménagère qui leur permette de collaborer intelligemment à la bonne conduite d'une exploitation rurale. Elles correspondent aux écoles professionnelles d'agriculture de garçons.

L'article 7 (§ 1er, 2 et 3), l'article 8, l'article 9 et l'article 10 (§ 1er) sont applicables aux écoles professionnelles agricoles et ménagères.

Sont exceptées des dispositions indiquées dans l'article 7 les trois écoles existantes de Coëtlogon, de Kerliver et de Le Monastier.

A chaque école professionnelle agricole et ménagère peut être annexée une école agricole et ménagère temporaire.

Un comité de consultations, comprenant le personnel enseignant, est organisé dans chaque école pour donner gratuitement des renseignements aux fermières de la région.

VIII. Écoles agricoles et ménagères temporaires.

ART. 31. Les écoles agricoles et ménagères temporaires ont pour but de donner une instruction agricole et ménagère aux filles d'agriculteurs qui ne peuvent passer une ou plusieurs années dans l'une des écoles professionnelles indiquées dans l'article 23 de la présente loi. Elles correspondent aux écoles d'agriculture d'hiver destinées aux garçons.

Les articles 12, 13, 14, 15 et 16, concernant les écoles d'agriculture d'hiver, sont applicables aux écoles agricoles et ménagères temporaires.

IX. Écoles agricoles et ménagères ambulantes.

ART. 32. Les écoles agricoles et ménagères ambulantes se déplacent dans un département ou dans une région pour donner aux filles d'agriculteurs une instruction agricole et ménagère.

Chaque école se fixe, sur l'ordre du préfet, pour un temps déterminé dans une commune rurale où elle a été appelée par la municipalité ou une association agricole avec la garantie qu'elle trouvera un nombre minimum d'élèves déterminé par arrêté ministériel, âgées au moins de 15 ans.

ART. 33. La commune ou l'association agricole qui a appelé l'école ambulante doit fournir le local, le mobilier scolaire et payer les dépenses de chauffage et d'éclairage

ART. 34. Le programme des éludes est réglé par le Ministre de l'agriculture pour chaque session, après avis d'un Comité de surveillance et de perfectionnement dont la composition et les attributions seront réglées par arrêté ministériel.

ART. 35. La moitié des sommes nécessaires pour le fonctionnement de l'école (traitement du personnel, frais matériels d'enseignement, indemnités, etc.) est payée par l'État jusqu'à concurrence d'une somme déterminée par décret, le reste étant à charge du département,sauf pas exceptionnels.

X. L'enseignement agricole et ménager postscolaire.

ART. 36. Un enseignement agricole et ménager postscolaire est donné par les institutrices aux jeunes filles dans les écoles publiques rurales.

Les articles 17 (§ 2), 18, 19, 20, 21, 22 sont applicables à l'enseignement agricole et ménager postscolaire.

Dispositions communes.

ART. 37. L'engagement de se vouer pendant dix ans à l'enseignement public contracté par les élèves-maîtres et les élèves-maîtresses des écoles normales primaires, des écoles normales supérieures peut être réalisé dans les écoles désignées par la présente loi.

ART. 38. Des règlements d'administration publique détermineront les conditions d'application de la présente loi, dont les dispositions seront successivement appliquées dans la limite des crédits ouverts au budget de chaque exercice.

Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi.

Fait à Paris, le 3o mars 1912.

Signé : A. FALLIÈRES.

Par le Président de la République :

Le Ministre de l'Agriculture,

Signé : PAMS.

Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts

Signé : GUIST'HAU

Le Ministre des Finances

Signé : L.-L. KLOTZ

AVIS DU SÉNAT    11 janvier 1917

Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des Députés, sur l'organisation de l'enseignement professionnel public de l'agriculture, par

M.VIGER, Sénateur.

Messieurs,
Le projet de loi sur l'organisation de l'enseignement professionnel et public de l'agriculture présenté au Parlement par MM. Pams, Ministre de l'Agriculture, et Guist'hau, Ministre de l'Instruction publique, concerne la préparation professionnelle de toute la jeunesse rurale de notre pays, aussi bien celle des jeunes filles que celle des jeunes gens. un million Il prévoit qu'un enseignement agricole sera donné à un million de jeunes ruraux et à un million de jeunes filles vivant à la campagne, alors que l'ensemble de nos établissements actuels ne donne une instruction agricole qu'à deux mille jeunes gens environ et à quelques centaines de jeunes filles. Il est la résultante de toute une série d'études, de travaux, d'essais et aussi d'une expérience déjà longue des choses de l'enseignement agricole : en 1905 une grande commission interparlementaire fut nommée par M. Ruau, alors Ministre de l'Agriculture pour préparer la réforme de l'enseignement agricole ; elle fut présidée par notre éminent collègue M. Méline, et ses travaux très importants, qui demandèrent plus de quarante séances, furent résumés dans des rapports très complets, très documentés. En 1906, une nouvelle commission, présidée par M. Bonnier, membre de l'Institut, fut encore constituée par M. Ruau pour étudier l'orientation qu'il semblait nécessaire de donner à l'enseignement dans les écoles nationales d'agriculture en raison des conditions économiques nouvelles qui régissent l'industrie agricole. Enfin, en 1912, une commission nommée M. Pams et comprenant les membres les plus autorisés de l'enseignement fut chargée d'étudier la coordination de l'enseignement de l'Institut national agronomique et de celui de nos écoles nationales d'agriculture.
Les travaux de toutes ces commissions, les enquêtes faites dans les différents organismes de notre enseignement, les diverses missions faites à l'étranger, les projets de réformes antérieurs, notamment celui de M. Fernand David, concernant l'organisation de l'enseignement agricole populaire, ont servi à son élaboration.

Depuis près de 15 ans, il est question de réformer l'enseignement agricole, depuis deux ans seulement on est entré dans la voie des réalisations pratiques et l'on nous demande actuellement de vouloir bien discuter un projet de loi.

Nous pensons qu'il est temps d'aboutir, qu'il faut enfin donner des armes à ceux qui développeront demain la prospérité agricole de notre pays et feront disparaître les ruines accumulées par la guerre. Nous pensons aussi qu'il est de notre devoir d'empêcher la dépopulation des campagnes qui ira peut-être grandissante encore, favorisée par l'appel des industriels désireux de combler les vides creusés par la défense de la Patrie.

On a proposé, pour arrêter cet exode rural, toute une série de mesures ou de réformes plus ou moins pratiques ; il y en a une cependant sur laquelle on glisse peut-être trop rapidement : le développement de l'enseignement agricole. L'instruction professionnelle de l'agriculture est la base indispensable à la réussite de presque toutes les réformes.

M. Méline se plaint que la petite culture n'est pas encore entrée franchement dans la voie du progrès, qu'elle n'a pas la production encore bien compris l'importance de l'association pour la production et surtout pour la vente. « Ce qui constitue encore aujourd'hui, dit-il, la grande différence entre l'agriculteur et l'industriel, c'est qu'une partie importante de la grande masse des industriels a son éducation faite, tandis que celle de la masse des agriculteurs est encore à faire. Il y peu d'industriels qui ne possèdent les notions essentielles de leur profession et qui ne rivalisent d'intelligence avec leurs concurrents tandis qu'un grand nombre d'agriculteurs qui vivent sur la routine des siècles, se montrent encore réfractaires au crédit, à l'association, à la pratique des nouvelles méthodes de culture et aiment mieux végéter dans leur traditionnelle ignorance que de gagner de l'argent en se livrant au vent du progrès. » Il n'y a là rien d'étonnant : les industriels sont en avance sur les agriculteurs, tout simplement parce qu'ils ont reçu plus d'instruction.

Le l'on veut ramener à la terre la masse de bras en quête de travail, il importe avant tout de démontrer pratiquement à l’École ce que l'on peut obtenir avec de bonnes méthodes culturales.

«  Quand les malheureux, dit encore M. Méline, sauront quels miracles on peut accomplir avec la terre, comment on peut en doubler, en tripler le rendement sans grandes dépenses, ils seront séduits par la pensée d'être les instruments et les bénéficiaires de cette multiplication des pains que la bonne nature met à leur disposition. De ce côté, l'agriculture est en bonne voie, il n'y a plus qu'à pousser les retardataires par les épaules, ce qui sera facile ; ils finiront tous par se passionner pour les merveilles de la chimie agricole, autrement intéressante que la conduite machinale d'une broche ou d'un métier.

On peut considérer aujourd'hui comme démontré que l'agriculteur qui a reçu une sérieuse éducation professionnelle, qui est en même temps un homme d'ordre et de progrès, est certain de tirer de son capital un bon revenu, tout en vivant sur sa terre plus largement que beaucoup de bourgeois. »

Pour appliquer les bonnes méthodes culturales, il faut les connaître, et cela ne s'apprend malheureusement pas tout seul. Ce n'est pas en quelques conférences ou en quelques formules sèches
que l'on arrive à former un bon agriculteur au courant du progrès. Et c'est bien pour cette raison que l'on trouve tant de retardataires dans la petite culture. Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, sans un enseignement spécialement agricole, le progrès sera toujours lent, la petite culture sera toujours plus ou moins en retard.

Nous désirons que les agriculteurs aiment la nature, .qu'ils en comprennent la beauté. Mais on n'aime que ce que l'on connaît bien. Comment veut-on que l'agriculteur aime son métier s'il ne le connaît pas ou le connaît mal ? Comment veut-on qu'il aime la campagne et ne se laisse pas attirer par le mirage des grandes villes s'il est ignorant de tout ce qui l'entoure ?

On aura beau répéter sur tous les tons que la vie à la campagne est plus agréable, plus intelligente que la vie urbaine, on n'arrivera pas à convaincre profondément les intéressés. Rien ne vaut les arguments que donne l'instruction. Apprenez aux jeunes gens le « pourquoi » et le « comment » des choses agricoles, faites-leur connaître la vie des plantes, parlez-leur de ce monde d'insectes dont les mœurs nous étonnent et nous charment, faites-leur comprendre les grands phénomènes dela nature qui tombent tous les jours sous leurs sens, etc., etc. et nos futurs agriculteurs émerveillés ne songeront plus à aller s'enfermer dans une usine, un magasin ou un bureau ; la vie au grand air aura pour eux plus de prix.

Si l'on songe un instant à la répercussion immense que les plus légers perfectionnements apportés à l'agriculture peuvent avoir sur la fortune publique on voit immédiatement l'importance que peut avoir l'enseignement agricole.que peut avoir l'enseignement agricole. Il est certain que si l'enseignement agricole avait été suffisamment développé depuis une dizaine d'années, la question de la cherté du blé ne se serait pas posée.

Si l'agriculteur déserte la campagne, c'est qu'il ne gagne pas assez ; s'il ne gagne pas assez c'est qu'il n'a pas les connaissances suffisantes pour faire produire à la terre le plus possible et à meilleur marché. C'est donc surtout l’instruction agricole professionnelle qu'il faut développer.

Le projet de loi qu'on nous présente répond parfaitement aux besoins des agriculteurs, précisément parce qu'il s'adresse non seulement à une minorité rurale relativement fortunée, mais à toute la jeunesse de nos campagnes.

[Suit l'examen de chaque article du projet de loi, puis la commission a ajouté des propositions originales]

Le projet de loi et les créations nouvelles imposées par la guerre.

Création d'écoles de mécaniciens ruraux

Avant la guerre l'administration de l'Agriculture s'était préoccupée de développer la culture mécanique pour pallier dans une certaine mesure à la raréfaction sans cesse grandissante de la main-d'œuvre rurale. Des concours de motoculture avaient eu lieu et des projets de création d'écoles de mécaniciens ruraux avaient été préparés. La guerre a rendu extrêmement urgent le développement de la culture mécanique, la rareté de la main-d'œuvre devenant un véritable danger national ; il faut même prévoir qu'après la guerre tout agriculteur devra être en quelque sorte un mécanicien. Aussi, le Ministère a-t-il considéré comme un impérieux devoir de contribuer à former le personnel nécessaire à la conduite et à l'entretien des tracteurs et des machines agricoles en général. Ce personnel pourrait être recruté parmi les agriculteurs mutilés de la guerre. Les mutilés cultivateurs ou ouvriers agricoles sont dans une grande proportion et bon nombre d'entre eux désireraient retourner à la terre, si on leur en fournissait les moyens. Or la culture mécanique du sol peut ouvrir un débouché à un grand nombre d'ouvriers agricoles en même temps qu'atténuer la crise de la main-d'œuvre.

Dès 1915, le Ministère de l'Agriculture a créé des Écoles ou Sections de mécaniciens ruraux annexées à des Écoles d'agriculture existantes : à l’École nationale d'agriculture de Grignon, à l’École nationale d'agriculture de Montpellier, à l’École régionale d'agriculture d'Ondes (Haute-Garonne), à l’École de Tomblaine près Nancy, à l’École de l'Oisellerie (Charente), à l’École de Grand-Jouan (Loire-Inférieure), à l’École de La Brosse (Yonne), à l’École des mutilés d'Auch-Beaulieu (Gers). Une école de mécaniciens ruraux sera installée à l’École nationale d'agriculture de Rennes dès que cette dernière ne sera plus utilisée comme hôpital.

M. le Ministre de l'Agriculture a estimé que les écoles pratiques d'agriculture, toutes les fois qu'elles sont bien situées, d'un accès facile pour le grand public agricole et qu'elles possèdent un domaine d'une étendue suffisante, doivent posséder un tracteur automobile : par arrêté du 24 octobre 1916, il a décidé que « chaque département dans lequel est installée une école pratique d'agriculture, s'il inscrit à son budget les crédits nécessaires, peut recevoir, pendant la durée de la guerre et jusqu'à la démobilisation, une subvention représentant la moitié de la dépense occasionnée par l'acquisition d'un tracteur automobile et de sa charrue, destinés à l'école pratique d'agriculture ». Ce tracteur servira à initier les jeunes élèves, et aussi à des démonstrations publiques dans le département, tendant à faire connaître le plus possible les appareils de culture les plus récents et les plus perfectionnés.

Cette année, le Ministère de l'Agriculture a également créé à Noisy-le-Grand, dans la banlieue de Paris, grâce aux libéralités de Mme Gomel-Pujos, une école spéciale de mécaniciens-conducteurs de machines agricoles. Cette école, très importante, a été installée sur un domaine de 138 hectares : le domaine, les bâtiments scolaires et d'exploitation, ainsi que les fonds nécessaires pour l'aménagement de ces bâtiments (100.000 fr.) ont été donnés par Mme Gomel-Pujos.

Toutes ces créations nouvelles sont destinées aux cultivateurs mutilés de la guerre ; elles seront également utilisées par des élèves ordinaires lorsqu'il y aura des places disponibles ou que la rééducation des mutilés sera terminée. D'ailleurs, en principe, il est entendu que les dépenses effectuées pour la création d’œuvres de rééducation des mutilés de la guerre doivent servir non seulement aux mutilés, mais encore à des organismes d'enseignement qui fonctionneront pendant ou après que les mutilés feront ou auront terminé leur rééducation. Il serait, en effet, regrettable de faire de grosses dépenses pour les œuvres de durée limitée. C'est pour cette raison que presque toutes les écoles de mécaniciens ruraux ont été annexées à des écoles d'agriculture existantes.

Le projet de loi tel qu'il a été voté à la Chambre permet la création d'écoles de mécaniciens ruraux, il est inutile d'y faire une addition se rapportant à ces établissements.

Orphelinats agricoles

Les orphelins de la guerre, les pupilles de la Nation, comme on les a justement appelés, ont droit à toute notre sollicitude. C'est un devoir pour l'Etat de leur venir en aide en les dirigeant autant que possible vers la carrière agricole, c'est-à-dire en leur faisant donner une bonne instruction agricole. Avant la guerre, le Ministère de l'Agriculture subventionnait les orphelinats agricoles suivants :

Asile agricole protestant de Vallon (Ardèche) ;

Orphelinat agricole protestant de Saverdun (Ariège) ;

Orphelinat Leclerc-Chauvin, à Angoulême ;

Orphelinat horticole de Beaune (Côte-d'Or) ;

École d'horticulture de Fraysse (Dordogne) ;

Orphelinat départemental de Valence (Drôme) ;

Asile Bordas, à Châteaudun (Eure-et-Loir) ;

Colonie de Saint-Louis, à Villenave-d'Ornon (Gironde) ;

Orphelinat agricole de Gradignan (Gironde) ;

Orphelinat départemental de Voiron (Isère) ;

Orphelinat Le Roy, à Saint-Viaud (Loire-Inférieure) ;

Colonie agricole d'Ay (Marne) ;

Asile départemental de l'Enfance, à Saint-Cyr (Seine-et-Oise) ;

Ligue protectrice des enfants abandonnés du Havre, à Sauvic (Seine-Inférieure) ;

École d'horticulture de Villepreux (Seine) ;

Société du refuge du Plessis-Piquet (Seine) ;

Institution « Le Parangon », à Joinville-le-Pont (Seine).

M Le Ministère de l'Agriculture se propose de subventionner plus largement ces orphelinats, sous forme de bourses, pour qu'ils puissent recevoir gratuitement le plus grand nombre possible d'orphelins. Il subventionnera également les orphelinats créés par l'initiative privée quand ils présenteront toutes les garanties nécessaires au triple point de vue de l'éducation, de l'instruction et de l'exploitation agricole. Il créera même quelques orphelinats dans certains domaines mis gratuitement à la disposition de l’État. Nous ne pensons pas cependant que ces créations doivent être nombreuses pour les raisons suivantes : il ne faut pas que les orphelins de la guerre, fils d'agriculteurs, constituent une catégorie sociale spéciale destinée à être éduquée et instruite dans des orphelinats agricoles, car ces derniers, quels que soient les services qu'ils rendent et la valeur de leur enseignement, sont considérés à tort ou à raison comme des établissements d'ordre quelque peu inférieur ne jouissant pas toujours d'un bien grand crédit. Il vaut mieux recevoir les Pupilles de la Nation dans les Écoles d'agriculture existantes et dans les nouvelles Écoles à créer où ils auront un droit de priorité: c'est ainsi que procèdent le département de la Gironde en créant le centre d'enseignement agricole de Bordeaux-Blanquefort et le département de la Haute-Savoie avec le centre de Contamine-sur-Arve. Les orphelins au contact des élèves ordinaires et des parents de ces derniers chez lesquels ils seront plus ou moins invités aux jours de congé se créeront une mentalité mieux en rapport avec leur état d'âme qui demande une atmosphère un peu familiale.

Écoles d'agriculture et d'horticulture pour jeunes filles

Jusqu'en 1914, l'enseignement ménager agricole avait surtout en vue la préparation des jeunes filles de la campagne à leur futur rôle de collaboratrice de maris agriculteurs, plutôt que la formation « d'agricultrices » pouvant diriger seules une exploitation. Il existe bien une école spéciale pour la laiterie (École de Coëtlogon, Ille-et-Vilaine), mais nous n'avons pas d'écoles analogues à nos Écoles pratiques d'agriculture pour garçons et où, après deux ou trois ans d'études, les jeunes filles peuvent devenir aptes à gérer un domaine rural. Le projet de loi avait prévu la création des établissements de ce genre (voir article 33) au point de vue agricole et au point de vue horticole.

Les femmes de la campagne, pendant la guerre, en l'absence du mari parti pour la défense de la Patrie, ont été si admirables au travail du sol et ont rendu de si grands services dans la gestion des fermes où elles restaient presque abandonnées qu'il est maintenant pleinement démontré que la femme française peut être agricultrice, peut diriger seule un domaine. Des veuves et des orphelines de la guerre ont demandé à M. le Ministre de l'Agriculture d'entrer dans des écoles d'agriculture ou d'horticulture de jeunes filles en vue de diriger les propriétés que leur père ou leur mari tué à l'ennemi venaient de leur laisser. M. le Ministre n'a pu leur donner satisfaction, ces écoles n'existant pas encore. Le projet de loi comble cette lacune : il permet de créer des écoles d'agriculture et des écoles d'horticulture pour jeunes filles, analogues à celles qui existent déjà pour les garçons.

[…]

Nous pensons que ce projet devrait être discuté au Sénat le plus tôt possible. En effet, la rareté et la cherté de la main d'œuvre sans cesse grandissantes obligeront de plus en plus nos agriculteurs à transformer leur méthode de travail et à devenir de véritables mécaniciens ruraux, le machinisme
agricole étant appelé à un développement considérable. Le prix de revient, s'élevant à la production, obligera à rechercher une augmentation des rendements par l'emploi raisonné des engrais chimiques, leur meilleure utilisation, et la transformation des produits du sol par des groupements agricoles. Il faudra lutter aussi contre l'abandon des campagnes, l'industrie et le commerce sollicitant, par des salaires élevés, les ouvriers agricoles, les métayers et les petits fermiers. En un mot, la guerre oblige l'agriculture à s'industrialiser de plus en plus, et par conséquent le cultivateur à acquérir un enseignement plus approfondi.

Il faut donc songer, dès maintenant, et afin de pouvoir lutter aussitôt après la guerre sur le terrain économique avec nos ennemis, à dispenser l'instruction professionnelle dans toute la masse de nos populations rurales et non à la réserver à une petite catégorie, sous peine de courir à un désastre. Il faut être en mesure d'instruire un million de jeunes ruraux et autant de jeunes filles de la campagne, alors que notre enseignement n'a été donné jusqu'ici qu'à l'infime minorité de ces derniers.

Le Sénat a déjà voté le projet de loi sur l'enseignement technique, il devient urgent de voter également le projet de loi sur l'enseignement agricole, l'agriculture étant la première de nos industries, celle qui, d'ailleurs, est la base de toutes les autres.

Après avoir discuté les diverses dispositions du projet, et sauf de légères additions destinées à combler une lacune en permettant d'organiser l'enseignement de l'horticulture, votre Commission vous propose d'adopter le texte voté par la Chambre.

Annexe au procès verbal de la séance du 11 janvier 1917. n° 7.

AVIS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS   2 juillet 1918

Rapport fait au nom de la Commission de l'Agriculture chargée d'examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des Députés, adopté avec modifications par le Sénat, sur l'organisation de l'enseignement professionnel public de l'agriculture, par

M. PLISSONNIER, Député.

Messieurs,
Le projet de loi sur l'organisation de l'enseignement professionnel et public de l'agriculture, que vous avez examiné et adopté le 6 mars 1914, vient d'être également adopté par le Sénat, le 7 juin 1918, après y avoir apporté quelques légères modifications imposées par la guerre.

Ce projet vise la préparation professionnelle de toute la jeunesse rurale de notre pays : il prévoit qu'un enseignement agricole sera donné à un million de jeunes ruraux et à un million de jeunes filles vivant à la campagne, alors que nos établissements actuels ne peuvent donner une instruction agricole qu'à une infime minorité de notre population rurale (environ deux mille jeunes gens et quelques centaines de jeunes filles).

Depuis plus de vingt ans, il est question de réformer l'enseignement agricole. Nous pensons, comme l'a dit M. Viger au Sénat « qu'il est temps d'aboutir, qu'il faut enfin donner des armes à ceux qui développeront demain la prospérité agricole de notre pays et feront disparaître les ruines accumulées par la guerre ». Notre devoir est de dispenser, sans compter, l'instruction professionnelle à la grande masse de notre démocratie paysanne, si méritante, si admirable par son amour du travail, son attachement à la terre et sa courageuse énergie pour la défense de la patrie.

La rareté et la cherté de la main-d'œuvre sans cesse grandissante obligeront de plus en plus nos agriculteurs à transformer leurs méthodes de travail et à devenir de véritables mécaniciens ruraux, le machinisme agricole étant appelé à un développement considérable. Le prix de revient s'élevant à la production obligera à recherche une augmentation des rendements par l'emploi raisonné des engrais chimiques, leur meilleure utilisation et la transformation des produits du sol par des groupements agricoles. Il faudra aussi lutter contre l'abandon des campagnes, l'industrie et le commerce sollicitant par des salaires élevés les ouvriers agricoles, les métayers et les petits fermiers. En un mot, la guerre oblige l'agriculture à s'industrialiser de plus en plus et, par conséquent, le cultivateur à acquérir un enseignement plus approfondi.

Il faut donc songer dès maintenant, et afin de pouvoir lutter aussitôt après la guerre sur le terrain économique avec nos ennemis, à répandre l'instruction professionnelle dans toute la masse de nos populations rurales et non la réserver à une petite catégorie sous peine de courir à un désastre.

L'instruction professionnelle de l'agriculture est la base indispensable à la réussite de presque toutes les réformes agraires. Il ne faut pas oublier, en effet, que l'agriculture met en œuvre 46 millions d'hectares cultivables. On comprend, dès lors, combien est importante la plus minime amélioration se répercutant sur des millions d'hectares et l'influence énorme que peut avoir l'enseignement agricole sur le développement de la fortune publique. Nous sommes persuadé que si notre pays avait eu, il y a vingt ans, une organisation de l'enseignement telle que le propose le projet de loi, la question du blé ne serait pas posée.

Le cri de guerre de notre Ministre de l'Agriculture, M. Boret, est : « Surproduisons ! Surproduisons ! » La surproduction ne pourra s'effectuer que si nous mettons entre les mains de l'agriculture l'arme indispensable qui fera disparaître la routine et lui permettra de marcher dans la voie du progrès : l'instruction professionnelle sans laquelle on piétinera sur place.

D'ailleurs, M. Boret a fait remarquer au Sénat que le projet de loi sur l'enseignement agricole est intimement lié au très intéressant projet de loi sur l'intensification de la production agricole pendant et après la guerre lequel prévoit la création d'offices régionaux et départementaux. Comme le dit fort bien notre Ministre de l'Agriculture « ces organisations régionales ne vivront que lorsque le projet d'enseignement agricole aura été établi et commencera à fonctionner. C'est grâce à cet enseignement agricole généralisé, élargi, extériorisé, que vous aurez pu donner un cerveau à tous ces organismes et faire que la France agricole de demain soit prospère pour le bien de chacun et pour le mieux-être du pays tout entier ».

[Suit l'examen de chaque article du projet de loi]

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juillet 1918, n° 4813.

LOI SUR L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL PUBLIC DE L'AGRICULTURE

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

I . ENSEIGNEMENT AUX JEUNES GENS

ART. 1er. - L'enseignement public de l'agriculture pour les jeunes gens est donné :

1° A l'institut national agronomique qui est l'école normale supérieure de l'agriculture ;

2° Dans les écoles nationales d'agriculture de Grignon, de Montpellier et de Rennes ;

3° Dans les écoles d'agriculture comprenant :

a Les écoles pratiques d'agriculture ;

b Les fermes-écoles ;

c Les écoles techniques dont l'enseignement a pour objet une spécialité agricole ;

4° Dans les écoles d'agriculture d'hiver ou saisonnières ;

5° Dans les cours d'enseignement agricole postscolaires.

Aucune modification n'est apportée à l'organisation de l'enseignement agricole ou ménager dans les établissements dépendant du ministère de l'instruction publique.

L'enseignement public de l'horticulture proprement dite est donné :

1° A l'école nationale d'horticulture de Versailles qui est l'école supérieure de l'horticulture ;

2° Dans les écoles d'horticulture prévues au paragraphe c) (écoles techniques)

I – Institut national agronomique.

II - Écoles nationales d'agriculture

ART. 2. - L'institut national agronomique reçoit des élèves et des auditeurs libres.

Les élèves n'y sont admis qu'avec concours. A ce concours les élèves diplômés des écoles nationales bénéficient d'une majoration de points ainsi calculées :

8 p. 100 du total des points qui peuvent être atteints aux épreuves écrites ;

2 p. 100 du total des points qui peuvent être atteints aux épreuves orales.

Les élèves diplômés des écoles nationales vétérinaires bénéficient de la même majoration.

Dix bourses nouvelles, en outre de celles existant actuellement, seront attribuées aux élèves des écoles nationales suivant un classement basé sur l'ensemble de leurs notcs, sur la situation de fortune et les charges de famille de leurs parents

ART. 3. - A la sortie de l'institut national agronomique, les élèves diplômés pourront compléter leur instruction professionnelle et se spécialiser dans l'une des écoles d'application suivantes, conformément aux décrets et arrêtés règlant l'admission des élèves dans ces établissements :

1° Écoles nationales des eaux et forêts ;

2° Écoles des haras ;

3° Sections d'application organisées par décret et fonctionnant sur le domaine des écoles nationales d'agriculture, à l'institut national agronomique et à l'école nationale des industries agricoles.

ART. 4. - Les professeurs d'agriculture et les professeurs d'école d'agriculture sont choisis au concours, exclusivement parmi les anciens élèves diplômés de l'institut national agronomique et des écoles nationales d'agriculture, ayant fait leur spécialisation dans une des sections d'application prévues à l'article 3.

Toutefois, cette disposition n'est pas applicable aux candidats aux fonctions indiquées et munis du diplôme d'ingénieur agronome ou du diplôme d'ingénieur agricole, obtenus antérieurement à ladite loi et pendant cinq ans postérieurement à la même loi.

Les professeurs spéciaux d'horticulture et les professeurs d'horticulture des écoles d'horticulture sont choisis au concours exclusivement parmi les anciens élèves diplômés de l'école nationale d'horticulture de Versailles.

ART. 5. - Les écoles nationales d'agriculture reçoivent des élèves et des auditeurs libres.

Les élèves diplômés des écoles pratiques d'agriculture bénéficieront, au concours d'entrée aux écoles nationales, d'une majoration de points égale à 10 p. 100 du montant total maximum des points prévus au programme.

ART. 6. - Les sections d'application prévues à l'article 3 reçoivent :

1° Les élèves diplômés de l'institut national agronomique et des écoles nationales d'agriculture venant s'y spécialiser ;

2° Les auditeurs pouvant être admis à suivre l'enseignement des sections d'application.

Les bourses dont jouissent les élèves de 1'institut national agronomique et les élèves des écoles nationales d'agriculture suivront leurs titulaires aux sections d'application.

ART. 7. - Les élèves diplômés de l'Institut national agronomique reçoivent le titre d'ingénieur agronome. Les élèves diplômés des écoles nationales d'agriculture reçoivent le titre d'ingénieur agricole.

Quiconque aura usurpé ces titres sera puni des peines portées à l'article 259 du code pénal.

Les élèves des sections d'application reçoivent des certificats de spécialité dans les conditions qui seront déterminées par les règlements de ces sections.

ART. 8. - Les élèves diplômés de l'Institut national agronomique et des écoles nationales d'agriculture sont admis sur leur demande et sans avoir à justifier du baccalauréat à l'examen d'admission aux écoles nationales vétérinaires.

III – Écoles d'agriculture.

ART. 9. - Les fermes-écoles, les écoles pratiques, les écoles techniques prennent le nom générique “écoles d'agriculture". Les écoles professionnelles spéciales sont dénommées d'après la nature de leur spécialité.

ART. 10. - Les écoles d'agriculture ne peuvent être établies que sur des domaines appartenant à l'État ou mis à la disposition de l'État pour une période de trente ans au moins, en vertu d'un engagement pris par les ayants droit vis-à-vis du ministre de l'agriculture.

Ces domaines devront comprendre des bâtiments scolaires et d'exploitation en parfait état et réunissant les conditions reconnues nécessaires par le ministre de l'agriculture.

L’État, en ce qui concerne les domaines mis à sa disposition, n'intervient pas dans les dépenses d'entretien du mobilier et des bâtiments scolaires, non plus que dans celles des bâtiments d'exploitation et du cheptel vif et mort.

Sont exceptées des dispositions des deux paragraphes précédents les fermes-écoles, et les écoles pratiques actuellement existantes appartenant à des particuliers, aux communes et aux départements, ainsi que les écoles spéciales auxquelles la nature même de leur spécialité ne permet pas de satisfaire aux exigences desdites dispositions.

Le régime adopté pour l'exploitation du domaine et le pensionnat est, sauf cas exceptionnels, le régime de la régie, soit pour le compte d'une commune, soit pour le compte du département, soit pour le compte de l'État. La régie de chaque école est définie par arrêté ministériel.

Les écoles d'agriculture pourront recevoir des orphelins de la guerre se destinant à l'agriculture.

ART. 11. - La rétribution du personnel dirigeant et enseignant des écoles d'agriculture et les frais accessoires de l'enseignement sont à la charge de l'État.

ART. 12. - Le prix de la pension des élèves est fixé, pour chaque école, par le ministre de l'agriculture.

L'État, les départements et les communes peuvent attribuer aux élèves des écoles d'agriculture des bourses entières ou partielles et délivrer aux élèves diplômés des pécules ou des primes de sortie.

ART. 13. - Le programme des études est réglé par le ministre de l'agriculture pour chaque école suivant la spécialité culturale de la contrée, et après avis d'un comité de surveillance et de perfectionnement dont la composition, ainsi que les attributions, sont déterminées par arrêté ministériel.

A chaque école d'agriculture pourront être annexées :

1° Une ou plusieurs écoles de spécialités ;

2° Une école d'agriculture d'hiver ou saisonnière ;

3° Une école ménagère agricole ou une école de laiterie pour jeunes filles pendant la période des grandes vacances, au moment où les jeunes gens sont renvoyés dans leurs familles.

Dans chaque école d'agriculture pourront être organisés, pour les adultes, des cours temporaires.

Les professeurs, en dehors de leurs cours réguliers, pourront être appelés à faire des conférences aux agriculteurs de la région sous la direction du directeur des services agricoles du département et après entente avec le directeur de l'établissement dont ils dépendent.

Un comité de consultations, comprenant tout le personnel enseignant, est établi dans chaque école pour donner gratuitement des renseignements.

IV- Écoles d'agriculture d'hiver ou saisonnières

ART. 14. - Les écoles d'agriculture d'hiver ou saisonnières sont fixes ou ambulantes. Elles ont pour but de donner, pendant la mauvaise saison, une instruction professionnelle aux fils d'agriculteurs qui ne peuvent passer deux ou trois ans dans une école professionnelle d'agriculture.

Elles sont placées sous l'autorité du ministre de l'agriculture.

ART. 15. - Les écoles d'agriculture d'hiver ou saisonnières ne peuvent être établies que dans des locaux appartenant à l'État ou mis à la disposition de l'État et contenant le matériel scolaire reconnu nécessaire par le ministre de l'agriculture.

1° Elles peuvent être annexées à d'autres établissements d'enseignement agricole dépendant du ministère de l'agriculture (écoles d'agriculture, etc.)

2° Elles peuvent également être établies dans des locaux dépendant des lycées, collèges, écoles primaires supérieures ou de tous autres établissements d'instruction et mis, ainsi que le matériel scolaire, à la disposition du ministre de l'agriculture, après entente avec le ministre de l'instruction publique ou le ministre sous l'autorité duquel est placé l'établissement d'instruction utilisé.

ART. 16. - Les dépenses d'entretien des locaux et du matériel scolaires des écoles d'agriculture d'hiver ou saisonnières, mis à la disposition de l'État par les départements, communes, sociétés ou syndicats, sont à la charge desdits départements, communes, sociétés ou syndicats.

ART. 17. - Le personnel dirigeant et enseignant est nommé par le ministre de l'agriculture.

Dans le cas ou l'école d'agriculture d'hiver ou saisonnière est établie dans des locaux appartenant à des établissements dépendant du ministère de l'instruction publique ou de tout autre ministère, le directeur nommé par le ministre de l'agriculture est seulement directeur technique et ne s'occupe que de l'enseignement donné à l'école d'agriculture d'hiver ou saisonnière.

Tout ce qui concerne la partie administrative (pensionnat, surveillance d'internat, etc.) est placé :

1° Sous la direction du proviseur, du principal du collège, du directeur d'école primaire supérieure et, en général, du chef de l'établissement ayant fourni les locaux ;

2° Sous le contrôle du ministère dont dépend l'établissement dans lequel est installée l'école d'agriculture d'hiver ou saisonnière.

ART. 18. - Le programme des études est réglé par le ministre de l'agriculture pour chaque école, suivant la spécialité culturale de la contrée et après avis :

1° De l'assemblée (conseil général ou conseil municipal) qui a demandé la création de l'école ;

2° D'un comité de surveillance et de perfectionnement dont la composition, ainsi que les attributions, sont déterminées par arrêté ministériel.

ART. 19. - Les crédits nécessaires au fonctionnement de chaque établissement et à l'attribution des bourses sont fixés par arrêté du ministre de l'agriculture. Dans cette limite, les dépenses sont ensuite réglées à raison de 70 p. 100 par le ministre de l'agriculture, le surplus étant à la charge du département ou de la commune ayant demandé la création de l'école d'agriculture d'hiver ou saisonnière.

V – Enseignement postscolaire public agricole

ART. 20. - L'enseignement postscolaire agricole peut être donné dans les écoles publiques ou dans les locaux mis par les communes et les particuliers à la disposition de l'État.

Dans chaque commune,le cours est créé soit sur la demande du conseil municipal, soit sur la demande de la commission départementale d'agriculture prévue à l'article 23 et après avis favorable du conseil général.

Le conseil général est appelé, dans sa plus prochaine session, à inscrire au budget départemental une subvention qui ne peut, en aucun cas, être inférieure au quart de l'indemnité prévue par l'article 22 ci-après.

Le ministre de l'agriculture statue.

ART. 21. - L'enseignement postscolaire agricole est donné par les maîtres désignés à l'article 22 aux jeunes gens à partir de l'âge de treize ans, pendant quatre ans au moins, à raison de cent cinquante heures au moins chaque année, réparties entre les divers mois, selon les besoins de chaque région, par les soins de la commission départementale d'agriculture prévue à l'article 23. Il a pour sanction le certificat d'études agricoles.

ART. 22. - Peuvent seuls donner l'enseignement postscolaire agricole, les professeurs actuellement pourvus du certificat d'aptitude à l'enseignement agricole, délivré par le ministère de l'instruction publique et les instituteurs pourvus des brevets supérieur ou élémentaire et du certificat d'aptitude pédagogique, comptant au moins trois ans d'exercice dans l'enseignement et ayant obtenu le brevet agricole délivré par le ministère de l'agriculture dans les conditions prescrites par arrêté ministériel, après avis de la commission centrale visée à l'article 24.

Sur la proposition du directeur des services agricoles et désignation préfectorale, peuvent être chargés de cours annexes ou de l'intérim, des agriculteurs ou des spécialistes des communes voisines.

Les instituteurs donnant l'enseignement postscolaire agricole prévu par la présente loi reçoivent une indemnité non soumise à retenue.

ART. 23. - Il est institué dans chaque département une commission départementale d'agriculture chargée :

1° De dresser la liste des cours d'enseignement postscolaire dont la création lui paraît nécessaire ;

2° D'établir le programme des cours appropriés à la région et qui devra être approuvé par le ministre de l'agriculture après avis du ministre de l'instruction publique.

Cette commission comprend, sous la présidence du préfet, le directeur départemental des services agricoles, le conservateur des eaux et forêts ou son délégué, l'inspecteur d'académie ou son délégué, et des notabilités agricoles désignées par arrêté préfectoral.

ART. 24. - Il est institué une commission centrale permanente siégeant au ministère de l'agriculture, composée par tiers de représentants du ministère de l'agriculture, du ministère de l'instruction publique et de notabilités agricoles désignées par arrêté du ministre de l'agriculture.

Cette commission est consultée sur les règlements relatifs à l'enseignement post-scolaire, sur l'organisation générale et les programmes de cet enseignement adaptés aux besoins de chaque région, sur l'enseignement agricole donné à l'école normale primaire.

Elle donne également son avis sur toutes les questions d'enseignement postscolaire agricole qui lui sont soumises par les deux ministères intéressés, soit directement, soit sur la demande des commissions départementales.

ART. 25. - L'enseignement postscolaire agricole est soumis à l'inspection faite par les représentants du ministère de l'agriculture. La note qui servira de base à l'indemnité prévue par l'article 22 sera arrêtée de concert par les fonctionnaires chargés de l'inspection.

- II ENSEIGNEMENT AUX JEUNES FILLES

ART. 26. - L'enseignement agricole et l'enseignement agricole ménager pour les jeunes filles est donné :

1° A l'institut national agronomique ;

2° Dans les écoles nationales d'agriculture.

Dans l'un des établissements désignés aux deux paragraphes précédents pourra être annexée une section normale supérieure pour la préparation des professeurs et directrices des écoles d'enseignement agricole féminin ;

3° Dans les écoles agricoles ménagères qui peuvent être fixes, temporaires fixes ou temporaires ambulantes et qui prendront le nom “d'écoles agricoles ménagères, d'écoles agricoles ménagères temporaires, d'écoles agricoles ménagères ambulantes“ ;

4° Dans les cours d'enseignement agricole ménager postscolaires.

Toutes les écoles d'enseignement agricole et d'enseignement agricole ménager sont placées sous l'autorité du ministre de l'agriculture.

Le personnel enseignant et dirigeant de ces écoles est nommé par le ministre de l'agriculture.

VI. Écoles d'enseignement agricole

ART. 27. - L'institut national agronomique et les écoles nationales d'agriculture ont pour but de préparer les jeunes filles à remplir le rôle incombant aux femmes se destinent à la gestion de domaines ruraux.

ART. 28. - La rétribution du personnel dirigeant et enseignant des écoles prévues à l'article 27 et les frais accessoires de l'enseignement sont à la charge de l'État.

ART. 29. - Le prix de la pension des élèves est fixé pour chaque école par le ministre de l'agriculture.

L’État, les départements et les communes peuvent entretenir des élèves à l'institut national agronomique et dans les écoles nationales d'agriculture avec des bourses entières ou partielles.

ART. 30 . - Le programme des études est réglé par le ministre pour chaque école prévue à l'article 27.

ART. 31. - Un conseil de perfectionnement est institué près de chacune des écoles prévues à l'article 27. Sa composition et ses attributions sont réglées par arrêté ministériel.

ART. 32. - La directrice et les professeurs de la section normale supérieure, prévue à l'article 26, pourront être chargés de l'inspection de toutes les écoles d'enseignement agricole ménager. _

VII. Écoles d'enseignement ménager agricole

ART. 33. - Les écoles agricoles ménagères ont pour but.de donner aux jeunes filles une instruction agricole ménagère qui leur permette de collaborer à la bonne conduite d'une exploitation rurale. Elles correspondent aux écoles d'agriculture de garçons.

L'article 10 (§§ 1er, 2,3, 5 et 6), l'article 11, article 12 et 1'article 13 (§ 1er) de la présente loi sont applicables aux écoles agricoles ménagères.

Sont exceptées des dispositions indiquées dans article 10 les deux écoles existantes de Coëtlogon et de Kerliver.

A chaque école agricole ménagère peut être annexée une école agricole ménagère temporaire.

Un comité de consultation, comprenant le personnel enseignant, est organisé dans chaque école pour donner gratuitement des renseignements aux fermières de la région.

VIII. Écoles agricoles et ménagères temporaires

ART. 34, - Les écoles agricoles ménagères temporaires ont pour but de donner une instruction agricole ménagère aux jeunes filles qui ne peuvent passer une ou plusieurs années dans l'une des écoles professionnelles indiquées dans les articles 27 et 33 de la présente loi. Elles correspondent aux écoles d'agriculture d'hiver ou saisonnières destinées aux garçons.

Les articles 15, 16, 17, 18 et 19 ci-dessus, concernant les écoles d'agriculture d'hiver ou saisonnières sont applicables aux écoles agricoles ménagères temporaires.

IX. - Écoles agricoles ménagères ambulantes

ART. 35. - Les écoles agricoles ménagères ambulantes se déplacent dans un département ou dans une région pour donner aux jeunes filles une instruction agricole ménagère.

Chaque école stationne, sur décision préfectorale, pour un temps déterminé, dans une commune rurale où elle a été appelée, par la municipalité ou une association agricole, avec la garantie qu'elle trouvera un nombre minimum d'élèves, déterminé par arrêté ministériel, âgées au moins de quinze ans.

ART. 36. - La commune ou l'association agricole, qui a appelé l'école ambulante, doit fournir le local, le mobilier scolaire et payer les dépenses de chauffage et d'éclairage.

ART. 37. - Le programme des études est réglé par le ministre de l'agriculture, pour chaque session, après avis d'un comité de surveillance et de perfectionnement dont la composition et les attributions seront réglées par arrêté ministériel.

ART. 38. - Les crédits nécessaires au fonctionnement de chaque établissement et à l'attribution des bourses sont fixés par arrêté du ministre de l'agriculture. Dans cette limite, les dépenses sont ensuite réglées à raison de 70 p. 100 par le ministère de l'agriculture, le surplus étant à la charge du département ou de la commune ayant demandé la création de l'école ménagère ambulante. '

X. - Enseignement agricole ménager postscolaire public.

ART. 39. - Un enseignement agricole ménager postscolaire est donné aux jeunes filles âgées de plus de douze ans, dans des écoles publiques rurales ou dans des locaux mis par la commune à la disposition de l'État, par les professeurs pourvus actuellement du certificat d'aptitude à l'enseignement agricole délivré par le ministère de l'instruction publique et les institutrices publiques, pourvues du brevet supérieur ou élémentaire et du certificat d'aptitude pédagogique, comptant au moins trois ans d'exercice dans l'enseignement et ayant obtenu le brevet agricole ménager délivré par le ministère de l'agriculture dans les conditions prescrites par arrêté ministériel après avis de la commission centrale visé à l'article 24.

Sur la proposition du directeur des services agricoles et désignation préfectorale, peuvent être chargées de cours annexes ou de l'intérim, des dames ou des filles (ou encore des agriculteurs, des spécialistes, etc., en ce qui concerne le cours annexes seulement), résidant dans la commune ou dans les communes voisines.

Les articles 20 (§§ 2 et 3), 21, 22 (dernier §), 23, 24, 25 sont applicables à l'enseignement agricole ménager postscolaire.

DISPOSITIONS COMMUNES

ART. 40. ~ L'engagement de se vouer pendant dix ans à l'enseignement public contracté par les élèves maîtres et les élèves maîtresses des écoles normales primaires, des écoles normales supérieures peut être réalisé dans les écoles désignées par la présente loi.

ART. 41. - Des règlements d'administration publique détermineront les conditions d'application de la présente loi.

Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi.

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'État.

Fait à Paris, le 2 août 1918.

R. POINCARÉ

Par le Président de la République :

Le ministre de l'agriculture et du ravitaillement,

Victor BORET.

Le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts,

L. LAFFERRE

Le ministre des finances,

L .L. KLOTZ.

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